En souvenir de Michel PINCHON. Jean-Louis RATTIER

Le 14 décembre 2019 nous avons déposé le corps de Michel Pinchon dans le cimetière de Gouville; la croix centrale est notre repaire pour trouver la tombe et nous recueillir auprès de lui. Un petit groupe de ses amis a pensé qu’il ne fallait pas laisser se perdre la vie et le témoignage de Michel. Un arbre abattu, tombé de tout son long a encore une mission: produire du feu, éclairer, réchauffer. J’apporte ici ma contribution en souhaitant que le message de Michel continuer d’agir en nous.

1. Enfance de Michel

Michel est né en 1928, trois ans après son frère Jean; deux fois je l’ai entendu parler de sa venue au monde en ces termes surprenants: «Une parente aurait dit à mon Père: Alors est-ce que vous allez nous faire un deuxième petit? Voyez les Untel, leur fils est mort accidentellement et il n’y a pas d’héritier!» Michel aurait-il été conçu comme précaution pour un éventuel héritage, né pour l’argent? Lui même croyait-il à cette histoire? Je ne sais… Mais concrètement il a laissé le rôle d’héritier et de réussite sociale à son frère aîné; et l’héritage n’était pas mince: maison de maître, terres, armoires de style, cave bien remplie etc…il précisera plus tard: «Je n’ai rien voulu de l’héritage de mes parents; je n’ai emporté que mon rond de serviette» Ainsi peut-être s’expliquerait la distance de Michel par rapport aux biens matériels et à l’argent, une ligne qu’il a gardée toute sa vie. L’argent n’est pas sa raison de vivre.

Le travail est une valeur dans la famille Pinchon; Michel est élevé à la dure par un Père qui durant les vacances n’oublie pas de remplir son emploi du temps de divers travaux à la maison, au jardin et dans les champs; pas de place pour l’oisiveté; Michel dira: «J’ai été trop engueulé par mon Père, désormais je n’accepterai plus cela de personne»

En plus de sa mère Éliane, deux autres figures maternelles viennent adoucir l’enfance de Michel: sa grand-mère et Germaine qu’il appelait sa nounou. Germaine avait seulement 15 ans à son arrivée dans la famille et Michel 5 ans; et elle y est restée toute sa vie; même retraitée, elle lavait encore le linge de Michel. Une fois, raconte Michel, un dimanche, revêtu de son beau costume et malgré les avertissements de Germaine, il était monté sur des tas de bois pour faire l’acrobat; le prévisible arriva: une chute et une belle déchirure au costume; Alors Germaine clandestinement entreprit de recoudre un à un les fils et c’est seulement quelques mois plus tard que Mme Pinchon s’étonna de ce bizarre raccommodage. De même quand Mme Pinchon rentrait de la ville et demandait: «Est-ce que les garçons ont été sages?» Même s’ils avaient été turbulents, elle s’entendait répondre par Germaine: Mais oui, Madame»

Michel a toujours eu une relation difficile avec l’autorité. Y aurait-il une explication dans cette anecdote qu’il raconte? A l’école primaire pendant la classe arrivent deux gendarmes qui sans explication emmènent avec eux un de ses camarades; l’après-midi le garçon ne réapparaît pas ni le lendemain ni le sur-lendemain; Michel panique; les gendarmes auraient-ils ce pouvoir terrifiant de vous faire disparaître? Son copain est-il au fond d’une cellule, en prison ou même mort? L’explication n’arrive que la semaine suivante: le père du garçon était mort accidentellement et les gendarmes avaient simplement reconduit le garçon chez lui. Michel gardera un traumatisme de cet épisode; il a toujours peur des gendarmes, même pour un simple contrôle routier et l’uniforme quel qu’il soit lui inspire une grande méfiance. D’une façon générale, Michel n’aime pas les affrontements ou les conflits; il préfère souvent s’éloigner.

Jean, de trois ans son aîné, a publié en 2010 son autobiographie «Mémoires d’un paysan» aux éditions l’Harmatan; il évoque Michel avec ces mots: «Depuis le jour de sa naissance Michel est une joie pour moi» Il raconte aussi la surprise qu’ils ont son père et lui quand après son bac Michel leur déclare calmement: «Je veux être prêtre» Jean ajoute «Mon père était croyant et pratiquant mais, comme beaucoup de normands, joyeusement anticlérical; il dit à Michel: Tu seras prêtre si tu veux à ta majorité, mais pour l’instant tu fais des études de lettres»

De son côté Jean réalise un parcours professionnel de haut niveau; après de solides études d’agronomie, il se consacre au syndicalisme agricole où il côtoie en particulier Henri Canonge, Jean-Baptiste Doumens et Michel Debatisse. Puis vient le temps de la politique dans différents cabinets ministériels auprès de Valéry Giscard d’Estaing, Michel Debré, Edgar Pisani, Edgard Faure et Georges Pompidou; Jean aurait même décliné la proposition de Pompidou qui lui offrait le poste de ministre de l’agriculture; Jean pense que c’est trop tard pour lui car déjà il s’est engagé dans une troisième vie, celle des exportations et du commerce international principalement avec les USA. Jean représente pour Michel une vie et des idéaux trop liés au pouvoir et à l’argent. Dans les réunions de famille Jean est le centre; Michel se tait.

2. Souvenirs personnels

Après une dizaine d’années à l’école d’agriculture de Tourville, Michel succède au Père Rocher comme supérieur du Petit Séminaire d’Evreux, place Saint-Taurin; c’est là que je fais sa connaissance; j’ai 15 ans. Michel impressionne par sa stature et porte de beaux costumes; il dira de moi: «Qui est-ce grand jeune homme sérieux, qui ne s’exprime pas beaucoup? » C’est le début d’une relation qui durera 55 ans; on a eu le temps de se connaître.

Michel, attentif à la vie et aux signes des temps que le récent Concile invite à découvrir, pressent que la formule «Petit séminaire» est à bout de souffle; D’ailleurs dans les années 70 la plupart des petits séminaires fermeront, et certains reprocheront à Michel d’avoir été celui qui a fermé le séminaire. En attendant Michel anticipe le mouvement; il envoie les élèves étudier à Saint-François pour proposer plus de filières au bac; le petit séminaire devient un foyer, un lieu de vie et Michel y pratique une pédagogie de la responsabilité; au lieu de la messe obligatoire chaque matin on peut choisir entre la messe ou un temps de méditation spirituelle guidée; certains temps d’études ne sont plus surveillés (on parle alors d’auto-contrôle, d’auto-discipline) Un après-midi par semaine les séminaristes volontaires se dispersent dans les paroisses pour le catéchisme ou d’autres activités. Certains soirs Michel nous regroupe; il nous lit et explique Saint Saint Exupéry ou Camus. Une année il nous laisse organiser une collecte de meubles et d’appareils divers au profit du CCFD; nous trouvons 15 camions d’entreprises ou de la base américaine pour cette opération. La cour du séminaire déborde; il faudra vendre tout ça. De diverses façons Michel nous sensibilise aux problèmes de la faim, du tiers-monde et du développement. Oui, Michel est assurément un éducateur; toute sa vie il gardera une étonnante capacité de contact avec les jeunes.

Michel a toujours été présent aux différentes étapes de ma vie; et j’ai trouvé auprès de lui écoute et compréhension; ainsi en 1969 après 2 ans au grand Séminaire de Rouen, je suis face à un choix: le service militaire ou l’objection de conscience; mes idées pacifistes me poussent vers l’objection qui se traduit à l’époque par un service social de 3 ans. Je consulte les autorités; Mgr Antony Caillot, évêque d’Evreux, me dit: «Je ne vous demande pas d’être officier, mais faites au moins le service militaire» Le Père Devis supérieur du grand séminaire me répond: «J’ai peur pour vous, aucun séminariste-objecteur n’est revenu pour continuer vers le sacerdoce» Quant à mon père spirituel du séminaire il est davantage préoccupé d’art et de liturgie que de mon orientation.

Rendez-vous est pris avec Michel; je lui expose mon projet de travailler dans les bidonvilles en région parisienne en rejoignant le Père Joseph Wresinski d’ATD-Quart monde. Sa réponse arrive claire et nette: «Si tu y crois, faut le faire» 4 mois plus tard, je pars pour Pierrelaye, le centre de formation d’ATD et ensuite dans le camp de Noisy-le-Grand où les familles pauvres s’entassent sous les fameux «igloos» en fibrociment. J’anime une bibliothèque et des activités pour les enfants; Je n’ai jamais regretté ce temps de service social.

En 1981, j’ai 32 ans et après 6 années de ministère paroissial à Vernon je me questionne sur mon avenir; certains diront, c’est la crise des 6 ans de mariage «avec l’Église»; J’ai le désir de participer à une autre forme d’Église, plus engagée, plus évangélique; J’exprime à Michel mon projet de voyager en Amérique Latine pour y rencontrer des prêtres et des communautés; Michel n’est pas surpris et me dit tout de suite: «Si tu veux je t’emmène au Brésil dans 6 mois; je vais à une assemblée continentale des fraternités sacerdotales Charles de Foucauld. Je te ferai connaître des prêtres de différents pays qui ensuite te recevront chez eux. Nous partons donc à Sao Paulo, je passe une semaine à l’assemblée et 15 jours dans des paroisses populaires avec 2 prêtres italiens; Nous sommes même invités par le cardinal Arns à concélébrer avec lui dans sa cathédrale; nous ne sommes pas loin de San André où déjà un certain Lula fait parler de lui.

Sur les indications de Michel mon voyage se poursuit en Uruguay un pays très laïc et peu latino, puis en Argentine à Buenos Aires chez Luis Stockler qui deviendra évêque quelques années plus tard et aussi un périple dans le nord à Reconquista chez Paul Dugast, un prêtre français. Et encore à Santiago au Chili, chez Luis Borremans, un belge et chez Alvaro Gonzales. Déjà je visite la communauté de Mariano Puga, dans un quartier populaire qui résiste à la dictature de Pinochet. Mariano vient de mourir en ce début de 2020; Il avait reçu un prix de la Paix au niveau du Chili et son inhumation a rassemblé des milliers de gens venus des quartiers populaires. Quand il venait en France il ne manquait jamais de rendre visite à Michel.

Puis je débarque à Lima au Pérou chez Jean Dumont, un autre prêtre, ami de Michel qui a fondé les «équipes enseignantes» au Pérou et au Chili; il parcourt la campagne pour regrouper instituteurs et enseignants en leur proposant de former des groupes de réflexion chrétienne; il vit à Lima dans un bidonville sordide appelé «Caja de Agua» c’est à dire «Caisse d’eau» dans une ville où il ne pleut jamais! Là les pauvres se font enterrer dans le sable du désert à quelques kilomètres pour éviter de payer une tombe. Jean me fait un programme de voyage dans la cordillère des Andes, à Arequipa, au lac Titicaca, Puno, Cusco; c’est l’aventure.

Après 3 mois de voyage, ma décision est prise; avec l’accord du diocèse, je propose mes services au CEFAL ( organisme des évêques de France) qui prend en charge ceux qu’on appelle les «Fidei Donum» Et aussitôt on m’envoie à Louvain en Belgique pour étudier l’Espagnol et la culture latino; Mon choix du Chili doit beaucoup aux exilés politiques chiliens, accueillis à Gaillon et Vernon en 75-76; j’avais sympathisé avec eux et déjà ils m’avaient initié à la langue, aux chants et à leur culture. Et avaient-ils ajouté «Le Chili est le plus beau pays du monde» Alors en route.

Michel avait des amis dans de nombreux endroits à cause des réseaux de la Famille spirituelle De Foucauld qui compte 17 branches différentes, des revues «Jésus» et «Jonas» et de sa participation à des instances nationales ou régionales en ce qui concerne l’église. Je l’ai constaté: dans n’importe quel diocèse en France on trouvait toujours quelques prêtres qui le connaissaient; Michel partageait ses amis, il ne les gardait pas pour lui. Ainsi il a fait connaître les livres, les écrits et les activités de son grand ami, Gérard Bessière. Beaucoup connaissent les homélies de Gérard quand il prêchait à la messe de France Culture ou écrivait pour «La Vie» Ces homélies pour les 3 années liturgiques sont bien sûr regroupées dans plusieurs livres. Michel m’a fait connaître des prêtres des fraternités qui ont eu de l’importance pour moi: Gunther Lembralt au Brésil, Jim Murphy un irlandais, Jacques Leclerc et Guy Bouillé à Montréal, Bruno Verret et Yvon Trottier à Québec, sans oublier Donald Hanchon aux USA qui m’a fait venir 3 ans à Detroit pour la pastorale des migrants mexicains.

De même en France à chacune de mes nominations ( Vernon, Saint-André et Damville ) Michel ne manquait pas de me dire «Tiens, tu iras chez les Untel, ce sont des amis»; à Vernon, il m’a fait connaître le groupe «Vie Nouvelle» Michel était en lien avec beaucoup de laïcs croyants ou non, intégrés dans l’Église ou mal à l’aise avec l’institution. J’ai noté que souvent la relation avait commencé par l’extrême disponibilité de Michel dans des circonstances difficiles; ainsi par exemple à Evreux, alors qu’il est vicaire général, il laisse son travail pendant 3 jours pour se consacrer à une famille dont le fils s’était suicidé sur une plage normande. Ou encore à Vernon, il soutient une famille qui a perdu une petite fille de 2 ans; chaque fois c’est le début d’une amitié formidable.

Au fil des années Michel s’est constitué un réseau d’amis très nombreux; j’ai retrouvé un répertoire où il avait noté simplement le nom des couples et de leurs enfants, comme s’ il craignait d’oublier les prénoms. Est-ce qu’il révisait de temps en temps? Ce réseau il l’appelait «Ma paroisse personnelle» car beaucoup venaient célébrer à Gouville: baptême, mariage, noces d’or; sans oublier que Michel allait aussi célébrer à l’extérieur et parfois très loin. Très tôt il avait mis en place des temps de prière pour les divorcés-remariés et parfois même des célébrations incluant des juifs ou des musulmans.

3. Ce que j’ai observé chez lui

Michel prenait très au sérieux son temps de prière chaque matin, une heure si possible; Dans le chœur de l’église, sa stalle l’attendait avec le bréviaire, le Prions en Église, quelques livres de spiritualité et une couverture car il ne faisait pas bien chaud l’hiver. Sa piété n’avait rien d’ostentatoire mais il restait fidèle aux recommandations des fraternités de Foucauld: la prière, l’adoration eucharistique, un journée de désert de temps en temps et la révision de vie chaque mois en petite équipe. Il acceptait aussi de prêcher des retraites spirituelles à divers groupes.

Beaucoup ont noté son style de vie volontairement pauvre; dans les années 90, en visite chez lui Jacques Gaillot lui dit «Michel tu vas sans doute enlever ce vieil évier de pierre et enfin installer l’eau chaude!» Réponse de Michel: «Cet évier, il sera encore là bien après moi» Michel s’obstinait à ne jamais fermer à clé sa maison même s’il partait pour un voyage de 3 mois: quelqu’un pourrait avoir besoin de s’y abriter! Quelques vols: un vélo tout neuf à peine offert, des outils, un peu de fuel ou quelques bouteilles, tout cela ne semblait pas l’impressionner. D’une façon générale, comme Jean Goujet, il voulait mettre en pratique ce conseil évangélique «Donne à qui te demande» Et Michel a donné pour de vrais dépannages mais aussi parfois à des escrocs, à de vrais arnaqueurs.

Fils d’agriculteur Michel aimait travailler la terre, désherber, planter, observer la croissance des plantes, des fleurs et des légumes; son jardin n’avait pas de rentabilité économique mais était plutôt un prétexte à la relation, à des échanges; certains lui fournissaient les plants, comme son ami Alfred Verda de Breteuil et Michel partageait la récolte avec les prêtres de Damville, Jean et Popol, les religieuses ou d’autres. Ses invités en profitaient également car Michel aimait recevoir : amis, couples, groupes; il pensait toujours à décorer la table et rappelait la réflexion de ce jeune auquel il avait donné à lire l’évangile de St Marc «Dis donc dans ton bouquin, ils ne font que bouffer» Michel avait retenu la leçon: Les préparations aux sacrements commençaient souvent par un repas pour faire connaissance, pour s’apprivoiser et si possible préparer la cérémonie.

Sans doute faut-il aussi prendre conscience de l’écoute inconditionnelle de Michel; par de discrètes questions il faisait progresser la conversation, évitant de juger. Il ne donnait pas de conseils, il ne moralisait pas; il suggérait tant il voulait respecter la liberté de l’autre; il a souvent écouté des bavards avec infiniment de patience; une fois ou l’autre il m’a dit «Cette femme Africaine, nouvellement convertie, je l’ai écoutée tout l’après-midi mais réellement je n’ai rien compris; elle parle de sa foi chrétienne, mais en même temps elle raconte ses rêves et mélange tout cela avec la magie et les coutumes de son pays» Il n’avait pas compris, mais il avait écouté.

On ne comprendrait pas Michel sans voir son rapport avec son corps qui était un peu le «frère âne» qu’on a le droit de brutaliser; Michel avait une santé de fer et ajoutent certains «un estomac d’autruche» Il le disait lui-même «Jusqu’à 70 ans, je n’ai jamais rempli une feuille de sécurité sociale» Jamais malade, jamais fatigué, dormant peu, toujours disponible, très souvent sur la route dans le département ou plus loin.Une fois en voiture il est revenu de Madrid ( 1500 Km) d’une seule traite, sans étape; seule explication qu’il avait donnée «J’ai mis un stock d’eau à côté de moi et j’ai roulé»

Dans ces dernières années ses amis ont dû beaucoup insister auprès de Michel pour qu’il prenne soin de lui, qu’il voie un médecin, un cardiologue et qu’il suive leurs prescriptions; Michel après son opération de la hanche n’a pas vécu les 6 mois de rééducation à la Musse comme une souffrance ou une épreuve mais plutôt comme une découverte, un temps de partage et de rencontre avec les autres; seule ombre au tableau: ce médecin-chef qui prétendait l’envoyer en maison de retraite! Cela il ne peut le lui pardonner.

A son retour de la Musse, des groupes et des amis de Michel organisaient des réunions chez lui pour lui éviter un déplacement en voiture jugé dangereux; mais Michel persévérait dans son idée de conduire pour de petits parcours et cela malgré plusieurs accrochages et accidents. Cela a compliqué notre relation avec lui; ceux qui lui tenaient tête se sont vertement fait engueuler, tant cela lui semblait une atteinte à sa liberté. Marie-France et Philippe, Jean-François et moi-même, nous avons le souvenir de ces moments où le ton a vraiment monté. Il a fallu lutter pour que Jacques obtienne de le conduire faire des courses à Breteuil et moi-même pour aller le chercher pour les messes dominicales, des réunions ou des repas. Il ne voulait dépendre de personne et les accidents qu’il avait eus étaient toujours arrivés «à cause des autres» Anecdote encore: à la Musse l’examen sur sa capacité de conduire dans un simulateur moderne s’était avéré négatif pour lui. Mais Michel avec assurance et une grande part de mauvaise foi avait déclaré que l’appareil ne fonctionnait pas bien! Au total il a laissé une voiture qui selon le garagiste aurait nécessité plus de 4500 Euros de réparations principalement en carrosserie. Je garde un mauvais souvenir de cette période où vraiment nous avons tremblé de le savoir sur les routes.

Dans ces 3 ou 4 dernières années, retiré dans son cher Gouville, Michel a voulu continuer à donner un sens à sa vie; il se faisait un emploi du temps; tant qu’il a pu il a visité quelques malades dans son voisinage dont une femme très âgée et aveugle; à sa demande il lui lisait des passages d’évangile. Lui-même lisait beaucoup; et souvent en soirée Jacques et Marie-Agnès Gougeon rejoignaient Michel pour un temps de lecture commentée et d’échanges. L’après-midi Michel se donnait du temps pour la promenade et le jardinage; et surtout il a redécouvert le bréviaire et les psaumes qu’il savourait; parfois, et c’était nouveau pour lui, il poursuivait par la messe, là tout seul dans son bureau.

Conclusion

Au terme de ces pages il est bien difficile d’élaborer une synthèse de la vie de Michel; d’autres éléments dans ce livret vous y aideront. Toutefois je risque une comparaison: en médecine il y a de grands professeurs, des spécialistes de renom, d’excellents chirurgiens, des meneurs d’équipes, des chefs de cliniques et au bas de l’échelle dans notre petite ville un simple généraliste dont nous apprécions les soins.

Michel au fond a été un prêtre généraliste; exégète à ses heures quand il lisait le «Jésus» en 4 tomes de John P. MEIR, un bibliste de renom mondial, historien quand il parcourait 1500 pages sur l’histoire des croisade; spirituel car fin connaisseur de la vie et des écrits de Charles de Foucauld; accompagnateur spirituel de ceux qui se confiaient à lui, prêtres, religieuses et laïcs; voyageur pendant 12 ans en Asie, Afrique et aux Amérique; animateur de sessions, de colloques, apte à donner des lignes de travail et à rédiger d’excellentes synthèses; journaliste avec ses deux revues quand il s’agissait de suivre et de réfléchir sur l’actualité de l’église et du monde, excellent gestionnaire quand il s’agissait de tenir les finances de Tourville, du séminaire, du diocèse et même le budget municipal de Gouville; fondateur et animateur infatigable de l’Action Catholique rurale; et enfin simple prêtre en paroisse. Au fond Michel ne s’est spécialisé en rien, mais il a été présent et actif sur bien des fronts; sa polyvalence l’a ouvert à beaucoup de gens et sa seule spécialité fut celle de l’Amitié Inconditionnelle dont nous avons bénéficié. J’imagine une plaque professionnelle sur la porte de sa maison: «Ici spécialiste en Amitié; Entrez sans frapper» Nous le savons, cette amitié avait sa source dans un Autre, ce Jésus qu’il a aimé et qu’il a rejoint.

31 Mars 2020

PDF: En souvenir de Michel PINCHON. Jean-Louis RATTIER

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