Grégoire CADOR : Lettre aux amis

P. Grégoire CADOR
Solesmes, le 18 juin 2017

Aux amis… de partout !

Chers amis,

Voilà un an je vous écrivais pour vous annoncer que notre évêque de Maroua nous demandait à Christian et moi de revenir en France pour un an pour raisons de sécurité en attendant des jours meilleurs. Je vous demandais alors de nous « porter » ainsi que les communautés de Tokombéré dans la prière et la communion.

Je vous écris aujourd’hui pour vous remercier tous et chacun pour les nombreux signes de gentillesse et de compassion que vous avez su exprimer chacun à sa manière.

J’ai passé une année un peu bizarre. Non pas vraiment « sabbatique », mais en tout cas « sympathique » grâce à l’accueil fraternel de l’évêque du Mans, à l’amitié de mes confrères de la Sarthe, de ma famille bien sûr et du bon réseau d’amis que vous êtes…

Merci à tous ceux qui ont su accompagner, parfois même sans s’en rendre compte, cette épreuve au sens premier du terme. Temps de vérification et d’approfondissement de ma vocation de chrétien et de prêtre.

Je vous passe aussi les étapes médicales qui ont jalonné ces derniers mois et permis de « refaire le bonhomme » même si on ne fait pas du neuf avec du vieux !!!

J’attendais pour reprendre les « circulaires » espérant que l’année d’exil imposé permettrait de clarifier la situation.

De fait, c’est le cas, même si ce qui arrive n’est pas du tout ce que l’on espérait à vue humaine…

Il y a un mois, après une année passée sans nous donner de véritables nouvelles, notre évêque du Cameroun nous a informés, de manière très administrative, que notre retour à Tokombéré n’était pas opportun.

Grâce à la sollicitude Mgr Le Saux, évêque du Mans, je me retrouve désormais missionnaire en Sarthe, même si comme vous vous en doutez bien une grande partie de mon cœur est encore à Tokombéré.

L’évêque me confie d’accompagner les communautés chrétiennes d’Allonnes et d’Arnage, deux paroisses situées en périphéries du Mans ainsi que le service diocésain des migrants tout en participant à l’équipe d’organisation du Synode diocésain.

Je ne peux vous en dire plus pour l’instant étant donné qu’il s’agit de décisions très récentes. Je ne voudrais toutefois pas perdre de temps à confier cette nouvelle mission à votre prière, je sais trop ce que qu’elle m’a apporté dans mon ministère au Cameroun pour ne pas continuer d’y puiser l’inspiration qui me permettra de vivre ce que le bon Dieu me donnera de vivre dans cette nouvelle étape de ma vie. Je vous confie celles et ceux avec lesquels il me sera donné de porter la mission et d’accueillir la vie dans ce coin du monde.

Je vous mets en pièce jointe la lettre que nous avons rédigée avec le P. Christian à l’attention des amis du Cameroun et de France pour les informer de notre situation. Merci de continuer à soutenir les communautés de Tokombéré qui vivent, elles aussi une étape importante de leur histoire.

Nous sommes ensemble !

 

 

 

Pour ne pas perdre les bonnes habitudes, quelques citations glanées dans mes lectures récentes l’année :

Oscar Romero : (Extraits de Roberto Morozzo della Rocca, Mgr Oscar Romero, DDB, Paris, 2015)

« L’Eglise n’a aucun intérêt. Je n’ai aucune ambition de pouvoir et c’est donc en toute liberté que je peux dire au pouvoir ce qui est bien et ce qui est mal. Et ainsi, je dis à n’importe quel groupe politique tout ce qui est bien et tout ce qui est mal. C’est mon devoir. Et avec cette liberté du royaume de Dieu […]… nous devrions nous unir, nous ne devrions pas nous diviser, nous ne devrions pas nous montrer dispersés et souvent complexés face aux organisations politiques populaires, au point de vouloir les apprécier plus que le royaume de Dieu et que ses desseins éternels. Nous n’avons rien à mendier à personne, car nous avons beaucoup à donner à tous. Cela n’est pas de la prétention, mais l’humilité reconnaissante de celui qui a reçu de Dieu une révélation à transmettre aux autres. » (Homélie de Mgr Oscar Romero, 23 mars 1980, veille de son assassinat). (pp. 385-386)

« Tout le monde n’aura pas, nous dit le Concile Vatican II, l’honneur de donner physiquement son sang, d’être assassiné pour la foi. Cependant, Dieu demande un esprit de martyre à tous ceux qui croient en lui. Ainsi, nous devons tous être disposés à mourir pour notre foi, même si le Seigneur ne nous concède pas cet honneur. Oui, nous sommes disponibles, afin que, quand arrivera notre heure de rendre compte, nous puissions dire : « Seigneur, je suis disposé à donner ma vie pour toi. Et je l’ai donnée. » Car donner sa vie ne signifie pas seulement être tué ; donner sa vie, avoir l’esprit de martyre, c’est donner dans le devoir, dans le silence, dans la prière, dans l’accomplissement honnête de sa charge ; c’est donner sa vie peu à peu, dans le silence de la vie quotidienne, comme la donne la mère qui, sans crainte, avec la simplicité du martyre maternel, met au monde, allaite, fait grandir et soigne son enfant avec affection.» (Homélie de Mgr Oscar Romero, 15 mai 1977). (p. 398).

« L’unique violence admise par l’Evangile est celle qui est exercée contre soi-même. Quand le Christ se laisse mettre à mort, voilà la violence : se laisser tuer. La violence envers soi est plus efficace que la violence exercée contre les autres. Il est très facile de tuer, surtout quand on a des armes, par contre, qu’il est difficile de se laisser tuer par amour ! » (Homélie de Mgr Oscar Romero, 12 août 1979). (p. 164).

« Personne ne possède la vérité, à part Dieu. Celui qui veut marcher dans la vérité doit être humble et chercher la vérité avec les autres. On ne va pas discuter pour imposer notre façon de penser. On va discuter pour trouver la réponse de l’autre, celle qui nous manque, c’est une recherche. […] Cela en vaut la peine, surtout quand ce que l’on recherche est aussi important que le bien du pays. » (Homélie de Mgr Oscar Romero, 06 janvier 1980). (p. 231).

St Jean Chrysostome : Homélie avant son départ en exil en 401 (Office des lectures du 13 septembre).

Les vagues sont violentes, la houle est terrible, mais nous ne craignons pas d’être engloutis par la mer, car nous sommes debout sur le roc. Que la mer soit furieuse, elle ne peut briser ce roc ; que les flots se soulèvent, ils sont incapables d’engloutir la barque de Jésus. Que craindrions-nous ? Dites-le-moi. La mort ? Pour moi, vivre, c’est le Christ, et mourir est un avantage. L’exil ? La terre appartient au Seigneur, avec tout ce qui la remplit. La confiscation des biens ? De même que nous n’avons rien apporté dans ce monde, nous ne pourrons rien emporter. Les menaces du monde, je les méprise ; ses faveurs, je m’en moque. Je ne crains pas la pauvreté, je ne désire pas la richesse ; je ne crains pas la mort, je ne désire pas vivre, sinon pour vous faire progresser. C’est à cause de cela que je vous avertis de ce qui se passe, et j’exhorte votre charité à la confiance.

[…/…] En quelque lieu que je sois, vous y êtes aussi : le corps ne se sépare pas de la tête, ni la tête du corps. Si nous sommes éloignés par la distance, nous sommes unis par la charité et la mort elle-même ne pourra couper ce lien. Si mon corps vient à mourir, mon âme restera vivante et se souviendra de mon peuple.

Vous êtes mes concitoyens, vous êtes mes pères, vous êtes mes frères, vous êtes mes enfants, vous êtes mes membres, vous êtes mon corps, vous êtes ma lumière, et même vous êtes plus doux pour moi que la lumière. En effet, la lumière du soleil ne m’apporte rien de comparable à ce que m’apporte votre charité. Le soleil m’est utile à présent, mais votre charité me prépare une couronne pour l’avenir.

Abdelkader : Extrait de Mustapha Chérif, L’émir Abdelkader, Apôtre de la fraternité, Editions Odile Jacob, 2016, p.153.

« Personne ne peut seul faire face aux défis complexes de notre temps. Il n’y a pas d’alternative sage au dialogue, à l’interconnaissance et à la fraternité humaine.»

PDF: Aux amis de partout 19

Lettre de Grégoire CADOR, Cameroun, Avril 2016

P. Grégoire CADOR

Tokombéré, le 02 Avril 2016

Aux amis
du diocèse de Maroua-Mokolo
et de Tokombéré

Chers amis,

C’est en communion avec vous tous que je rédige cette lettre alors qu’aujourd’hui même, à Paris, les associations partenaires et de nombreux amis sont réunies autour de Christian, de Jacques Birguel et de Timakoche actuellement en stage à l’hôpital Robert Debré.

C’est une bonne chose que cette rencontre ait pu finalement se mettre en place après l’épreuve du 13 novembre dernier. La vie continue, ici et là-bas, et c’est bien ainsi.

Par où reprendre les nouvelles depuis plus de trois mois ?

Parlons sécurité puisque cette problématique et dans toute les têtes. Nous avons bien sûr été touchés par les évènements de Bruxelles mais aussi ceux de Lahore au Pakistan…

La folie terroriste se répand comme une tâche poisseuse à travers le monde… Nous aussi avons continué à essuyer de nombreuses attaques depuis ma dernière lettre du 22 décembre… J’ai recensé dans notre région (c’est un chiffre minimum puisque beaucoup de choses se passent sans que nous ne soyons informés) plus de 17 opérations kamikaze dont deux ont fait chacune une trentaine de morts et plus d’une centaine de blessés, 6 explosions de mines sur des routes proches de la frontière (l’une d’entre elle a coûté la vie à un colonel ami) au moins 6 repérages d’infiltrations de BH dans les camps de réfugiés, un grosse vingtaine d’incursions de bandes armées pour des opérations de pillage se soldant par la mort violente de nombreux civils et la perte de troupeaux et de biens de première nécessité… Certains disent que les Boko Haram sont affaiblis. C’est peut-être vrai militairement mais leur volonté de nuire reste intacte ainsi que leur détermination.

Ce qui m’inquiète le plus c’est que cette gangrène qui se répand fait le lit, à travers le monde, de tous ceux qui ne savent lire les signes des temps que de manière binaire et placent le camp des bons d’un côté et celui des méchants de l’autre… On commence même à voir (ou revoir) sur Internet de faux reportages avec des photos truquées ou prises ailleurs, pour montrer la férocité des BH contre les chrétiens… Les gens qui alimentent ce genre de rumeurs sont des assassins au même titre que les BH et, sans le vouloir (ce qui reste à prouver), ils font leur jeu en entretenant la haine et la division…

La réponse chrétienne à la haine, nous venons encore d’en célébrer la source au cours du Triduum pascal, c’est l’amour sans réserve, sans retenue, sans arrière-pensée. Nous devons, à temps et à contretemps, semer l’amour au milieu de la haine… Le bon grain et l’ivraie poussent ensemble et le Christ affirme, ô combien cette phrase est difficile à entendre : « laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ! » (Mt 13,30).

Tous les Etats et toutes les Puissances (grandes ou petites) qui, tout au long de l’histoire, se sont érigés en moissonneur ou en donneur de leçons universels, se sont pris les pieds, à plus ou moins brève échéance, dans leur propre logique, bien souvent au prix de complicité avec le mensonge…

Chrétiens, nous sommes les témoins d’un amour absolu. Il nous faut pour cela accepter de prendre en pleine face les outrages et les crachats et n’y opposer que la miséricorde qui seule fait renaître à la vie…

Même les grands prêtres n’y comprennent rien et impatients de résultats à leur mesure, ils se vautrent dans les sarcasmes démagogiques : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! » (Mt 27, 42-43). Bienheureux grands-prêtres pour lesquels le Christ a prié : « pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34).

J’ai trouvé récemment sous la plume de Rémi Brague cette très belle affirmation : « Il ne s’agit pas de mourir pour Dieu, mais de mourir avec lui. » Et je voudrais la dédier à tous les impatients qui sont prêts à mettre la main à l’épée comme le pauvre Pierre qui n’a, encore une fois, rien compris et qui s’est réveillé un peu brutalement ! Cette impuissance apparente de l’amour crucifié est la source d’où coule la vie nouvelle.

Je n’y peux rien. St Paul lui-même le dit : « Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. » (1 Cor 1, 22-24). C’est la mission des chrétiens dans le monde. Personne n’est obligé de se dire chrétien, mais celui qui le fait ne peut pas réduire à néant ou contourner cette pierre angulaire de notre foi.

Devant cette profusion de violence perpétrée au nom de Dieu, certains se demandent comme ils le font devant le Christ au jardin des oliviers « et Dieu, où est-il ?». Là aussi Rémi Brague m’aide à comprendre : « Devant le silence de Dieu au jardin de Gethsémani Jésus n’a pas obtenu de réponse parce qu’il est lui-même la réponse.»

Baptisés, nous sommes devenus « corps du Christ », c’est donc qu’à notre tour nous sommes la réponse de Dieu pour la violence d’aujourd’hui. Alors je redonne encore une fois la parole à Fabrice Hadjadj : « La foi en Dieu implique la foi en l’aubaine d’être né dans un tel siècle et au milieu d’une telle perdition. Elle commande une espérance qui dépasse toute nostalgie et toute utopie. Nous sommes là, c’est donc que le Créateur nous veut là. Nous sommes en un temps de misère, c’est donc le temps béni pour la miséricorde. Il faut tenir notre poste et être certains que nous ne pouvions pas mieux tomber.« 

J’ai la chance de constater que beaucoup de gens ici au Nord-Cameroun, ont compris au moins implicitement cette noble vocation et la vivent sans faire de bruit… Ils sont cette moisson qui lèvent dont parlait le cardinal Marty et qui fait moins de bruit que tous les murs qui s’écroulent…

Après avoir vécu de très belles fêtes de Noël et une magnifique fête de l’Epiphanie à Kayamgali toute petite communauté de la périphérie de Tokombéré qui accueillait l’ensemble des chrétiens de la paroisse pour fêter le Noël des Nations, nous avons eu un premier trimestre très chargé en activités diverses…

Il faudrait parler des sessions de formation d’une semaine qui ont rassemblé une quarantaine de nos catéchistes avec ceux des autres paroisses de la zone, des sessions de trois jours pour la promotion féminine dans les secteurs Plateau et Mouyang en attendant celle du secteur Mada dans 10 jours ; il faudrait évoquer aussi la relance du Conseil de Gestion Paroissial et la belle assemblée du Gamtok (Groupement des agriculteurs modernes de Tokombéré) qui a réuni plus de 250 paysans, des rencontres du Secrétariat Général du Projet de Promotion Humaine, des journées sanitaires qui ont réuni 800 personnes engagées d’une manière ou d’une autre dans les questions de santé, sans oublier la belle rencontre avec une centaine de jeunes de la zone au cours des congés de Pâques, la célébration des 50 ans de présence de notre évêque émérite arrivé de Belgique en 1965, et la visite de notre évêque Bruno au Collège et auprès des jeunes de Tokombéré…

On peut résumer l’importance de telles rencontres en tout genre, en rappelant avec Paul VI « qu’une paix qui n’est pas le fruit du développement intégral de tous n’aura pas d’avenir et sera toujours semence de nouveaux conflits et de diverses formes de violence. » (Evangelii Gaudium, n° 219) C’est dans ces domaines que nous devons travailler à semer l’amour, sans nous décourager…

Je voudrais toutefois retenir un « évènement » plus marquant au niveau local et deux au niveau plus large de la zone ou du diocèse.

Au niveau paroissial je voudrais évoquer le temps du Carême et la Semaine Sainte qui ont été très « fréquentés » si je peux me permettre l’expression. Le dimanche des Rameaux c’est une foule intense et recueillie qui a suivi la procession et la lecture de la passion. Cà a été aussi l’occasion pour nous d’accueillir et de présenter à la communauté les enfants nés dans l’année qui ne sont pas baptisés parce que leurs parents ne sont pas encore engagés dans le mariage… Jeudi soir beaucoup de gens sont venus vivre la dernière cène de Jésus avec le « sacrement du service » et l’institution de l’eucharistie. Une dizaine de premières communions ont émaillé cette belle célébration (c’est toujours émouvant de voir les yeux des enfants « se mettre en plein phares » quand on leur présente le corps du Christ !) Vendredi matin à la colline Baba Simon, nous étions plus de 500 personnes à monter en méditant derrière la Croix (une lourde croix de bois portée à tour de rôle par des volontaires.) Six étapes ponctuaient cette marche au cours desquelles chacun des six secteurs a pu nous aider à méditer en partant de l’Evangile et de paroles du Pape François sur la miséricorde. Puis ce fut la magnifique célébration de vendredi après-midi : Passion mise en scène par les jeunes de manière très vivante, suivie du « deuil de Jésus » (des chrétiens chevronnés disant devant la communauté, comme on le fait dans les deuils traditionnels, ce qu’ils veulent retenir de la vie de Jésus) ; puis le long cortège d’adoration de la Croix deux par deux sur fond de guitare traditionnelle et de chants de deuil pour finir par la communion en silence. Nous étions là aussi plus de 500 réunis de 14H30 à 17H30… Très intense et édifiant.

Très belle veillée pascale aussi. Nous avons plus de monde chaque année, notamment des adultes qui avaient un peu perdu l’habitude d’y participer. C’est un bon signe. Dimanche de Pâques nous avons célébré dans une grande liesse 65 baptêmes de jeunes et d’adultes. Ils seront suivis de 25 autres les dimanches suivants à l’occasion de 8 mariages de chrétiens qui veulent régulariser leur situation et mettre vraiment le Christ au cœur de leur foyer… Peu à peu la communauté se fortifie dans la foi… Elle en a grand besoin.

Pour sortir peu à peu d’une habitude d’assistanat, nous avions proposé avec l’équipe d’Animation Pastorale d’insister au cours de ce Carême sur la mise en place de la Caritas (Caisse d’entraide pour les plus pauvres, alimentée par les chrétiens). Il s’agissait au cours des quarante jours qui nous préparent à Pâques d’inviter les chrétiens à savoir se priver de tel ou tel plaisir ou besoin (alcool, nourriture, vêtements,…) en pensant aux plus démunis, de mettre réellement de côté l’argent qui aurait été dépensé pour cela, d’en faire l’offrande à la caisse Caritas, gérée par un groupe de chrétiens, qui cherche à répondre aux multiples besoins des pauvres. Les chrétiens ont répondu généreusement et cela est encourageant pour l’avenir.

Au niveau de la zone nous avons vécu une magnifique rencontre interreligieuse avec les musulmans de Mora. Nous avions mis sur pied cette rencontre de concert avec le Sultan de Mora qui est la plus haute autorité musulmane de la région. Je vous mets en pièce jointe l’article paru dans le journal diocésain.

Au niveau diocésain nous avons vécu un magnifique pèlerinage de la miséricorde qui a rassemblé 3.000 pèlerins (sous haute surveillance militaire !) 350 venaient de notre zone dont 128 de Tokombéré. Nous venions de tout le diocèse pour nous retrouver à Maroua où l’évêque a ouvert une porte de la miséricorde dans la première église construite dans le diocèse en 1947. Le calme et le recueillement inhabituel dans ce genre de rassemblement ont impressionné tout le monde.

L’évêque, touché par l’évènement et conscient de l’importance pour nos chrétiens confrontés à tant de souffrance, a décidé dans la foulée l’ouverture de deux autres portes de la miséricorde. L’une à la co-cathédrale de Mokolo et l’autre à l’Eglise de… Tokombéré ! Pour tous les gens du Mayo-Sava.

Nos communautés ont accueilli cette nouvelle comme un appel de Dieu à vivre plus en profondeur la dimension de la miséricorde au cœur de notre vie. C’est pourquoi notre vicaire général viendra inaugurer cette porte samedi prochain 09 avril à l’occasion d’un pèlerinage paroissial cette fois-ci. Au cours de l’année nous aurons aussi d’autres démarches, en communion avec les autres paroisses de la zone, en direction du monde enseignant, du monde de la santé, des catéchistes, des femmes catholiques ou de charité, etc…

Ceux qui connaissent bien Tokombéré se rappelleront que cette porte de l’Eglise de Baba Simon à une histoire. Il suffit de lire cet extrait d’un article paru dans la revue missionnaire Pôle et Tropiques en 1977 :

« Personne n’a oublié, dans le nord, le terrible malheur du 11 Mars 1973 : ces 11 enfants morts brûlés dans l’accident du car qui les ramenait chez eux en vacan­ces. Parmi eux, un collégien de Baba Simon, de la race des Mouyangs. Les parents, les gens du village descendent de la mon­tagne. Ils accusent le prêtre de cette mort. N’est‑ce pas lui qui a envoyé cet enfant si loin à N’Gaoundéré, pour étudier ? La mission est cernée une porte et deux fenêtres sont brisées. Et, dans l’église, pour défier le Dieu des chrétiens, un guerrier lance sa sagaie vers le ciel. Elle reste fichée dans le plafond. Quelques jours après, les anciens, calmés, reviennent pour faire la paix. Le Père les accueille. Les dégâts matériels, ce n’est rien: les por­tes, les fenêtres, on les refera. Mais… Et il les amène à l’église pour leur montrer la sagaie plan­tée dans le plafond. «Dites donc, l’offense faite à Dieu ? Comment réparer ça ? Moi, je ne sais pas. Vos anciens, vos sages, ils sa­vent, eux. Remontez au village et voyez entre vous. » Quelques jours plus tard, les anciens et les familles reviennent. Ils ont amené un mouton et ils l’immolent devant l’église : sacrifice de réparation.

Et, à la catéchèse suivante, Baba Simon eut la surprise de voir tout un groupe d’hommes, descendus pour la première fois écouter la Parole de Dieu. Le respect pour leurs traditions et leur vie religieuse avait plus fait pour les rapprocher de la mis­sion que tous les efforts précé­dents. »

Je vois d’ici le sourire de Baba Simon qui voit la porte de son église devenir « Porte de la Miséricorde » à l’occasion du jubilé 2016…

Nous sommes ensemble !

Au hasard de mes lectures : « Dieu nous fait confiance et nous montre ainsi sa patience. Peut-être que ce sont justement ces deux qualités divines qui sont nécessaires à ce que nous devenions humainement miséricordieux vis-à-vis de nos prochains, c’est-à-dire de celles et de ceux de qui nous nous faisons proches. Confiance et patience sont les qualités premières requises de tout être miséricordieux. Dans les premières années de notre vie, nous avions confiance, puis, au fil du temps, celle-ci a parfois été trahie, abîmée, bousculée. Nous avons appris à nous méfier les uns des autres. Arrivés à l’âge adulte, nous pouvons à nouveau choisir de faire confiance ; cette dernière est devenue le fruit de notre volonté. Nous la décidons. Nous la risquons. Oser à nouveau cette confiance en l’être humain, voilà ce à quoi la miséricorde nous convie. En effet, si Dieu nous a fait confiance, n’est-ce pas la moindre des choses de faire de même ? » (Philippe Cochinaux, Que penser de la miséricorde, Fidélité, Namur-aris, 2015, p. 6)

PDF: Lettre de Grégoire CADOR, Cameroun, Avril 2016

Aux amis du diocèse 16

P. Grégoire CADOR
Tokombéré, le 22 décembre 2015

Aux amis
du diocèse de Maroua-Mokolo
et de Tokombéré

Chers amis,

La fête de Noël qui est là et la richesse de l’actualité des deux derniers mois m’invite à ne pas attendre début janvier pour vous écrire en espérant que mon courrier vous trouvera si ce n’est en bonne santé, du moins en de bonnes dispositions pour vivre ce qu’il vous est donné de vivre en ces jours bénis.

C’est encore le P. Christian qui fait la « une » aujourd’hui, mais cette fois c’est pour vous demander de penser à lui en cette fin d’année où il a dû, à nouveau, être évacué vers Paris pour se soigner et prendre un bon temps de repos. Il rejoint ceux et celles d’entre vous qui portez de gros soucis de santé actuellement et dont je sais que vous les unissez aux prières de tous à nos intentions… Que la fête de Noël soit une source de réconfort pour chacun et chacune d’entre vous.

Bien évidemment cela me renvoie aux belles rencontres que nous avons vécues à Paris mi-novembre. Bien qu’entachées par les ignobles « attentats de Paris » elles ont été l’occasion d’un échange très émouvant (pour moi en tout cas). Le témoignage des anciens qui ont passé quelques semaines ou plusieurs mois à Tokombéré et même celui d’une amie de longue date qui n’a pas encore eu la chance d’y venir, ont été l’illustration la plus probante de la nécessité et de la fécondité de la rencontre. La discussion à bâtons rompus du samedi matin a été aussi un moment très utile venant renforcer cette idée.

C’est, d’abord et avant tout, à cela que doivent travailler les associations membres d’Intertok et ceux qui les animent. Les finances sont très importantes, qu’il me soit d’ailleurs permis ici de remercier, du fond du cœur, tous ceux et celles qui nous soutiennent, certains depuis fort longtemps. Mais je dis et je répète à l’envie que le seul ciment de ce que nous voulons entreprendre de durable doit être l’Amour.

Je vous invite, si vous avez un peu de temps en cette période de fête à travailler ou à prier l’hymne à l’amour de St Paul en 1 Corinthiens 13, 1-8 (Cf. ci-dessous) Lisez le à voix haute et, à partir du verset 4, à la place du mot ‘amour’ mettez votre propre nom sans avoir peur d’aller jusqu’au verset 8… Alors vous comprendrez peut-être de quoi il s’agit quand nous parlons de vocation à l’éternité… Tout le reste n’est que paille emportée par le vent et n’a pas d’avenir !

Beaucoup parmi vous ont été touchés, voire même de près, par l’horreur et la brutalité froide qui ont endeuillé Paris et la France entière le 13 novembre dernier. Le « nous sommes ensemble », par lequel je termine habituellement mes lettres, prend tout à coup la couleur et le goût du sang… Comment ne pas évoquer au-delà de ce sang innocent versé par la méchanceté aveugle de certains, celui des enfants de Bethléem dont le cri des mères monte vers le ciel en une question hébétée et sans réponse ? C’est aussi le cri de nos communautés humaines du Nigéria, du Nord-Cameroun, du Niger et du Tchad qui, jusqu’à aujourd’hui et presque chaque jour, sont frappées par cette brutalité sans limites… (17.000 morts depuis 2009… 2.000 de plus que lors de ma conférence au Mans en mars dernier… Une moyenne de plus de 7 par jour de façon ininterrompue depuis 6 ans !).

On lit dans certains journaux que le problème est en voie d’être résolu… Quelle illusion ! Je crois qu’il n’en est rien quelle que soit la brutalité (ou, pour garder un langage plus diplomatique, la force de frappe) de la réponse apportée. On ne résoudra pas le problème de fond par la violence. Boko Haram (qui se fait désormais appeler « Etat islamique en Afrique de l’Ouest ») sort les crocs devant le déploiement de la force multinationale et l’arrivée des américains dans la région… Il est clair qu’ils veulent se faire une réputation d’invincibles dans le monde djihadiste et probablement essayer de devenir une référence incontournable dans la région… Ils sont prêts au sacrifice et ne s’arrêteront pas de sitôt.

La seule porte de sortie ou voie de salut, c’est l’exercice de la volonté libre et consentie d’aimer ses frères et de reconnaître sous ce vocable l’ensemble de l’humanité (Daech, Boko-Haram, Shebab, Seleka et autres compris…). Si, les chrétiens ne sont pas capables de donner leur vie pour cette cause je ne sais pas à quoi ils servent…

A une récente rencontre de prière pour la paix chaque vendredi, un jeune enseignant père de famille disait : « La paix de Jésus ce n’est pas l’absence de guerre, de violence, de soucis ou de tensions, mais la capacité de rester entre les mains de Dieu au cœur de toutes les situations que nous traversons.» Je trouve cela très beau et très vrai. Récemment St Paul nous disait quant à lui : « Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » Ce sont de telles affirmations qui nous nourrissent notre détermination et nous permettent de garder le cap !

Attention à l’usure du temps qui fait que certains semblent peu à peu s’installer dans cette situation comme si elle devenait quasi normale… Résistons à la « mondialisation de l’indifférence » dont nous parle François. Il est urgent de réagir, parce qu’au-delà de l’horreur des situations vécues par les populations frontalières, chez qui la peur s’est installée comme une compagne de chaque jour, nous voyons petit à petit se mettre en place tout autour le « business » de l’aide aux réfugiés… Certains profitent abondamment de la situation et se font des fortunes en gérant l’argent qui tourne autour de la misère… Cela donne la nausée !

Pour « résister », il nous faut d’abord et avant tout « consister » comme le rappelle Fabrice Hadjadj. Il nous faut, à temps et à contretemps semer « autre chose »… une autre chose enracinée dans le regard de l’Homme Nouveau… Plus que jamais retentit ici la Parole de Baba Simon : « Je voudrais que tous voient Dieu et les hommes comme Jésus les voit ».

Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de lire la bulle d’indiction du jubilé de la miséricorde intitulée « Visage de la miséricorde du Père » du Pape François. Si ce n’est pas le cas je vous invite à le faire… Il y a là-dedans une foule de pistes concrètes pour bâtir cette « autre chose » en question…

Le Pape François a su toucher et interpeller très fort notre cœur d’africains en ouvrant la porte sainte de la cathédrale de Bangui avant même celle de St Pierre ! Nous prenons cela comme un signe très fort et un appel à témoigner de la miséricorde en nous laissant aimer et en essayant d’irradier cet amour au cœur des épreuves qui sont les nôtres et que nous partageons avec de plus en plus de gens à travers le monde… En passant, nous partageons aussi leurs joies comme ce fût le cas lors de la libération du P. Mourad en Syrie et ensuite des chrétiens de sa communauté jumelée avec la paroisse de la Couture au Mans…A Tokombéré nous avons célébré une messe d’action de grâce.

Mais attention toutefois quand on parle de miséricorde. Il y a de quoi s’inquiéter devant la récupération un peu rapide que certains font de cette notion si contraignante. Il est très facile de la transformer en un genre d’airbag évitant de se confronter au réel et permettant de se haïr gentiment en se faisant des sourires ! « Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent. » Dans son discours à la Curie, il y a deux jours, le Pape François (encore lui !) rappelait au numéro 7 : « Charité et vérité. Deux vertus indissolubles de l’existence chrétienne: «Faire la vérité dans la charité et vivre la charité dans la vérité» (cf. Ep 4, 15); au point que la charité sans vérité devient idéologie d’un “bonnisme” destructeur et la vérité sans charité devient justice aveugle.» Il y a de quoi méditer et s’engager dans de vraies démarches de conversion !

De nos jours, beaucoup de choses semblent se vivre à fleur de peau, au niveau de l’émotionnel. Il est absolument nécessaire d’entrer en profondeur dans l’engagement pour ouvrir des issues (des portes !) dans un monde où la tentation de se refermer sur soi-même pend au nez de tout le monde… « Ouvrez-vous portes de justice… qu’il entre le Roi de gloire ! »

A Tokombéré nous continuons notre chemin au jour le jour en essayant de rester fidèles à nos convictions :

Ces derniers temps nous avons vécu la rentrée de la Promotion Féminine avec une belle assemblée rassemblant plus d’une centaine de femmes venues de divers secteurs de la paroisse. Catholiques, protestantes, adventistes et même un groupe de femmes musulmanes. Ces dernières ont été très touchées du discours des intervenantes qui ont insisté dans les conseils donnés sur le refus d’amalgame entre Boko-Haram et musulmans. Ce sont au total près de 300 femmes qui se rencontrent désormais deux fois par mois en moyenne dans 25 groupes disséminés sur le territoire de la paroisse.

Nous avons lancé le nouveau thème d’année dont je vous parlais la dernière fois, « vous êtes mes témoins », au cours d’une très belle assemblée paroissiale. Le P. Justin et M. Birguel du laboratoire de l’hôpital et membre de l’équipe d’Animation Pastorale ont fait remonter la réflexion vécue dans une petite centaine de groupes informels tout au long du trimestre en une très belle synthèse. Une des étapes de la réflexion consistait à évoquer les figures locales de témoins de Jésus déjà passé sur l’autre rive… Ce fut un beau florilège de gens parfois très simples dont le témoignage a marqué la vie de nos communautés… Cette relecture de la vie chrétienne locale est une expérience intéressante à faire qui permet de vérifier que la sainteté n’est pas un programme pour des gens extraordinaires mais qu’elle est à portée de tous…

La « rentrée » du catéchuménat a vu le nombre de catéchumènes de la paroisse passer de 390 à 420 et ce malgré les 80 baptêmes de l’an passé. Nous sentons aussi une plus grande attention des catéchistes à cet aspect de leur travail et un meilleur suivi de leurs groupes respectifs.

La traditionnelle fête des récoltes que nous célébrons toujours le premier dimanche de l’Avent a été l’occasion de rendre grâce à Dieu pour les fruits de la rencontre de son amour et de nos travaux. Nous avions retenu ce jour pour présenter en action de grâce, au milieu des milliers d’épis de mil, la médaille que le Pape a décernée au P. Christian (j’en ai parlée dans mon dernier courrier). Nous n’avions pas eu encore l’occasion de le faire avec l’ensemble de la paroisse. Ce fut très émouvant de pouvoir exprimer ainsi notre immense reconnaissance à Dieu et à la famille Aurenche pour le grain semé chez nous et qui, contre vents et marées, a porté tant de fruits…

Il aurait fallu prendre du temps pour parler de la belle rencontre dialogue au collège Baba Simon, des rencontres du « Secrétariat Général nouvelle formule », de la nomination du P. Justin comme nouveau responsable du comité diocésain de la liturgie, des rencontres de formation des « gardes suisses » chargés d’aider les militaires pour la sécurisation de nos célébrations, de la relance du mouvement Cop-Monde (ACE) et des activités des jeunes dans les secteurs et au Foyer central de Tokombéré, des trois mariages célébrés en cette période de Noël, de la récollection des ouvriers apostoliques de la zone Mayo-Sava si bien animée par notre nouveau vicaire général, de ma rencontre avec le Sultan de Mora pour lui apporter le message du Pape François à l’occasion des 50 ans du texte du Concile Vatican II sur le dialogue interreligieux et pour poser avec lui les bases d’une rencontre interreligieuse qui aura lieu courant janvier, de l’augmentation des effectifs dans les écoles du diocèse alors que l’Unicef vient de publier un rapport très alarmant : « Plus de 2.000 écoles ont été fermées au Nigeria, au Cameroun, au Tchad et au Niger, – L’insurrection menée par le groupe islamiste Boko Haram empêche plus d’un million d’enfants d’aller à l’école » Mais je préfère m’arrêter là pour ne pas vous saturer quitte à revenir sur l’un ou l’autre de ces sujets la prochaine fois !

Des amis très chers m’ont envoyé récemment un très beau texte de Mgr Claverie sur la rencontre. Je ne résiste pas à l’envie de vous le partager. Vous le trouverez ci-dessous.

Je termine en formulant, pour vous, vos familles et ceux avec qui vous partagez la vie au quotidien, ces vœux que j’emprunte à St Bernard : « Faites ce que vous pouvez avec la grâce de Dieu et, par l’humilité, suppléez aux manques de votre charité. »

Bon Noël et Bonne année 2016

Plus que jamais… «Nous sommes ensemble» !

Grégoire

Texte de Mgr Claverie sur la visitation : (Référence inconnue)

La Visitation est un lieu important pour avoir une attitude juste vis-à-vis de l’autre, qui consiste à porter ce que l’on porte comme Marie portait son enfant donc être soi-même, se laisser habiter par son enfant par Jésus, par l’homme nouveau. Mais aussi aller vers l’autre en lui révélant par la confiance, par l’amitié ce qu’il porte de beau. Cette parole prophétique qu’Éli­sabeth portait, c’était Jean Baptiste. Marie porte en elle l’enfant de la promesse, Dieu est à l’œuvre en elle, l’Es­prit l’habite et la pousse à la rencontre d’Élisabeth qui porte aussi un enfant promis et donné par Dieu dans sa vieillesse. Dans la salutation, ce que les femmes por­tent tressaille en elles. Plus tard, Jésus sera l’homme de ces rencontres où chacun révèle le meilleur de lui-même. Il n’impose pas sa vérité mais l’autre finit par découvrir qu’il répond à son attente la plus profonde. C’est ainsi que nous sommes appelés à rencontrer les autres, non-chrétiens, musulmans ou autres, d’abord en portant en nous le Christ vivant et non quelque vérité extérieure ou quelque idéologie, en allant vers l’autre avec respect car nous croyons qu’il porte aussi en lui une part de la vérité que nous cherchons. Dieu a déposé en lui des richesses qui nous manquent pour que Jésus même nous révèle la plénitude de sa richesse. En nous mettant à son service, et non en lui imposant notre présence et notre volonté – comme Marie auprès de sa parente plus âgée – en cherchant à valoriser ce qu’il porte de bon à nos yeux comme nous le demande le Concile – « promouvoir les valeurs des autres » en demeurant l’un chez l’autre assez longtemps pour que naissent la confiance et les mots pour dire ce qui nous tient le plus à cœur. Ce faisant, et dans l’humilité, nous donnons ainsi à l’autre la possibilité d’accueillir Jésus même.

1 Corinthiens 13 1-8

01 J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. 02 J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. 03 J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien. 04 L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; 05 il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; 06 il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; 07 il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. 08 L’amour ne passera jamais.

CAMEROUN, Grégoire CADOR, Homélie du 15 août 2015

Nous sommes montés ce matin ! En ce jour de l’Assomption qui signifie littéralement « montée en Dieu », nous sommes montés à la suite de Marie qui monte, non plus chez sa cousine Elisabeth. Arrivée au terme de sa vie terrestre, Marie « monte dans la gloire de Dieu »… Sa vie est « assumée » par Dieu…

Nous sommes montés aussi, à la suite de Baba Simon qui, au cours des 16 années dernières années de sa vie qu’il a passées chez nous, montait chaque mois en ce lieu pour vivre sa « journée de désert » selon les règles de la fraternité Jésus-Caritas à laquelle il appartenait et dont il était le fondateur au Cameroun et en Afrique…

Permettez-moi de saluer ici nos frères prêtres venus des diocèses de Goré, Moundou, Laï et Sarh au Tchad, du diocèse d’Edéa au Cameroun et du diocèse de Maroua pour célébrer avec nous les 40 ans du passage en Dieu de Baba Simon…

Nous sommes montés aussi avec le P. Christian, notre actuel pasteur pour, avec lui, dire merci à Dieu pour sa présence fidèle à nos côtés depuis 40 ans…

40 ans dans la Bible c’est le temps de la maturation, du cheminement pour la conversion (ce que nos frères musulmans appellent le ‘grand djihad’)… C’est le temps de la constitution et de la reconstruction d’un peuple qui, d’esclave qu’il était, devient peuple libre, près à entrer en Terre Promise…

Nous sommes montés ensemble pour contempler l’œuvre entreprise et faire le point en vue des prochaines années…

Si nous avions la possibilité de remonter le temps… nous verrions ce qui se passait dans le cœur des habitants de Kudumbar il y a exactement quarante ans aujourd’hui… ! La nouvelle venait de tomber : Baba Amta !…

Panique générale… Baba n’est plus là, Tokombéré est mort ! Deuil, consternation… On avait enterré Baba Simon à des centaines de kilomètres de ce qui était devenu le « chez lui » et qui est le « chez nous » ! Personne n’avait eu le temps de faire le déplacement, pas même Mgr de Bernon bloqué dans la brousse de Mokolo par la saison des pluies et une panne de voiture… Jean-Marc non plus n’était pas là pour nous aider à faire le deuil… Au-delà de l’absence d’un cadavre à enterrer qui est une épreuve insupportable dans les traditions d’ici…, nous ne reverrions jamais Baba… Lui qui s’était battu de toutes ses forces pour nous rendre notre dignité bafouée et nous permettre d’entrer dans la modernité la tête haute, ne reviendrait jamais… Nous étions perdus !

Réaction bien compréhensible… mais qui dénote un manque de foi ou plutôt une foi mal placée… Ce n’est pas en lui que Baba Simon nous invitait à mettre notre foi mais bien en Jésus-Christ qui nous conduit au Père…

Quelques mois plus tard, en novembre 1975, le P. Christian venait déposer définitivement ses valises à Tokombéré, rejoignant Jean-Marc Ela, les sœurs Servantes de Marie de Douala et les Demoiselles de la société de Jésus-Christ de Lyon, qui tenaient l’hôpital. Il venait, à son tour, apporter une pierre à l’œuvre entreprise…

40 ans après, il est encore là ! Nombreux sont les témoins de cette longue histoire d’amour qui sont encore parmi nous et pourraient la raconter. Il faudra le faire un jour…

Mais là non plus, ne nous trompons pas de Foi… Comme cela a été l’erreur de certains de mettre leur Foi en Baba Simon et donc de se décourager quand il est mort, il serait stupide de mettre notre Foi en Christian au risque de se décourager quand il s’en ira à son tour…

Charles de Foucauld qui fut le maître spirituel de Baba Simon ne disait-il pas, très justement : « Regardons les saints, mais ne nous attardons pas dans leur contemplation, contemplons avec eux Celui dont la contemplation a rempli leur vie. Profitons de leurs exemples, mais sans nous y arrêter longtemps ni prendre pour modèle complet tel ou tel saint, et en prenant dans chacun ce qui nous semble plus conforme aux paroles et aux exemples de notre Seigneur Jésus, notre seul et véritable modèle, en nous servant ainsi de leurs leçons, non pour les imiter eux, mais pour mieux imiter Jésus. »1

Aujourd’hui, disions-nous en commençant, Marie entre « dans la gloire de Dieu »… Cette entrée dans la gloire est le fruit – au sens de l’aboutissement normal – de sa démarche de foi et d’humilité… « Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. » Marie ne se glorifie pas elle-même, C’est Dieu qui la glorifie. En effet la Gloire appartient à Dieu seul et il la partage à qui il veut… Si Marie est accueillie, assumée, aujourd’hui dans la Gloire de Dieu c’est justement parce qu’elle a su reconnaître qu’elle n’était rien, permettant ainsi à Dieu de faire en elle de grandes choses : « Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! » Dépouillée d’elle-même et de toute suffisance, il n’y a, en elle, aucun obstacle à l’action de Dieu. Elle devient chemin de l’incarnation et canal de la grâce… Sa disponibilité sans réserve permet à Jésus de prendre toute sa place en elle… L’ayant reçu gratuitement elle pourra à son tour nous le donner gratuitement…

Marie est modèle de sainteté… pour chacun et chacune d’entre nous, aujourd’hui…

A nous aussi il est proposé de recevoir le Christ et de le donner au monde… Sommes-nous prêts à l’accueillir sans aucune réserve, à la manière de Marie ?

Ce Jésus que Marie nous donne, l’Apocalypse nous le présentait tout à l’heure comme « celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. » Dans la deuxième lecture St Paul précisait : »Celui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. « 

Le Règne du Christ nous le savons n’est pas de ce monde. « Si ma royauté était de ce monde, dit Jésus à Pilate, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré. « 

La Royauté de Jésus, le Règne de Jésus c’est celui de l’amour et du don de soi. Son programme est simple : donner sa vie pour que le monde ait la Vie ! Et si les deux premières lectures nous parlaient de combat il ne s’agit pas d’un combat militaire au sens de celui que mènent si vaillamment nos soldats pour défendre nos frontières face à la barbarie.

Il s’agit du combat spirituel contre les forces du mal et de la division…

Ce combat s’enracine dans la fraternité universelle vécue au quotidien et ne se remporte que par le don de soi pour que l’autre ait la vie…

Nous avons la chance, dans ce domaine, de pouvoir faire mémoire de la vie exemplaire de Baba Simon qui « avec patience et sans compter » a donné toute sa vie pour nous montrer le chemin de la Vie…

Nous avons la chance d’avoir encore au milieu de nous l’exemple du P. Christian qui depuis quarante ans, contre vents et marées, est resté fidèle au poste et au don qu’il a fait de sa vie pour la promotion des populations de Tokombéré.

L’intérêt d’avoir un exemple vivant au milieu de nous c’est de comprendre qu’être saint n’empêche pas d’avoir aussi des limites et des défauts comme tout le monde…

Au lieu de nous décourager cela doit, bien au contraire, nous inciter à nous engager à notre tour, en toute humilité, conscients de nos limites, sur ce chemin de fidélité et de confiance en Dieu…

Vous connaissez tous le proverbe chinois : « le doigt montre la lune et l’imbécile regarde le doigt ! » …

Arrêtons de faire les imbéciles et de nous arrêter sur les défauts que nous aurons repérés chez Baba Simon, chez Christian ou chez tant d’autres qui se sont donnés pour nous indiquer le chemin du Salut et prenons-le ce chemin qui monte vers la gloire des enfants de Dieu que nous sommes.

Je voudrais terminer par cette affirmation de Baba Simon prononcée au soir de sa vie, dans une interview accordée à notre grand frère Jean-Baptiste en mai 1975 juste avant de quitter Tokombéré pour la dernière fois… Il disait : « Si le Christianisme continue à agir sur le Nord‑Cameroun, il y aura une solution, c’est à dire il y aura une vie sociale normale où tout le monde, musulmans, chrétiens, païens, vivra comme des frères, la main dans la main. » Voilà notre feuille de route !

Qu’attendons-nous, chrétiens de 2015, pour nous mettre à l’œuvre et faire fructifier un si bel héritage ?

Merci Baba Simon, merci P. Christian, de nous avoir ouvert les Portes de l’Avenir… et de nous indiquer le chemin de la Vie !

Comme Marie vous aussi vous avez « cru aux paroles qui vous furent dites de la part du Seigneur » et, comme Marie, vous vous êtes « mis en route vers les montagnes » non plus de Judée cette fois-ci, mais les montagnes du Nord-Cameroun pour y faire retentir la Bonne Nouvelle au cœur des traditions locales…

Puisse Dieu un jour vous accueillir avec Marie et vous faire entrer comme elle dans sa gloire…

CAMEROUN, Grégoire CADOR, Lettre aux amis – 10 octobre 2015

Aux amis du diocèse de Maroua-Mokolo et de Tokombéré

Chers amis,

Les trois mois ‘quasi rituels’ sont déjà presque passés… Je reprends le clavier !

Je commence par les bonnes nouvelles et tout particulièrement par le grand évènement que nous venons de vivre lors des « journées diocésaines » (trois jours que nous passons chaque année à pareille époque avec 200 ou 300 responsables venus de toutes paroisses pour la ‘’rentrée’’ des activités pastorales).

Il s’agit de la remise au P. Christian, par notre évêque et au nom du Pape, de la médaille « Pro Ecclesia et Pontifice » pour l’énorme travail abattu pour le service de l’Eglise au cours de ses 40 ans de présence missionnaire à Tokombéré.

Grande émotion de Christian bien sûr mais aussi de nous tous devant cette surprise, préparée très discrètement par l’évêque, et joie de la reconnaissance par le diocèse du travail de témoin de l’Evangile. Le nouveau thème pastoral pour l’année est « Vous êtes mes témoins » (cf. Ac 1, 8) il vient à la suite de celui de l’an passé « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). L’évêque a voulu mettre en valeur le témoignage concret de Christian pour inciter chacun à s’engager concrètement à la suite du Christ. A cette occasion « Vie de l’Eglise » (le journal diocésain) a édité un très beau magazine spécial sur Christian et le Projet de Promotion humaine de Tokombéré.

La fête va continuer à St Germain des Prés lors du rassemblement des 13-14-15 novembre prochains à St Germain des Prés : « De la rencontre à la fraternité, pour un nouvel élan ». Si vous ne pouvez pas y être merci de vous y associer par la prière et l’action de grâce.

La vie continue à Tokombéré en ce temps où s’ouvrent les récoltes. Elles se présentent assez bien. Cela représente un énorme travail parce que tout a poussé en même temps ! Le dilemme est de savoir par où commencer… Un gros problème demeure cependant, dans de nombreux villages : celui du non-paiement de la production par la Sodecoton (société qui gère la production cotonnière de tout le pays). Beaucoup comptait sur cet argent pour payer les écolages et autres besoins si importants en cette période de rentrée… Là comme partout : Wait and see ! (Ici on dit facilement ‘Se Mounial’ ce qui peut se traduire par ‘patience’. Mon Dieu qu’il en faut parfois pour ne pas se décourager !)

Malgré cela les écoles ont repris un peu partout (sauf à l’extrême frontière ou la situation est encore bien difficile) mais le spectre kamikaze hante tout le monde… De nombreuses mesures ont été prises (plus ou moins bien appliquées selon les endroits et les moyens) : clôture, uniforme obligatoire, contrôle à l’entrée, interdiction des cartables ou autres sacs fermés… Cela ne résout pas tout… et quand on sait que dans le seul arrondissement de Tokombéré, au-delà de notre collège et de nos quatre écoles primaires, il y a plus de cinquante écoles publiques et une dizaine d’établissements secondaires, on mesure l’ampleur de la tâche. Les effectifs (augmentation par-ci, diminution par-là) sont à peu près stables dans nos établissements et le personnel bien présent. Le nouveau directeur de l’école St Joseph qui est en même temps conseiller pédagogique pour tout le département du Mayo-Sava prend peu à peu ses marques.

La maison du paysan a abattu un très bon travail concernant l’eau et les questions d’érosion et de réserves. De nombreux biefs ont été construits ou réhabilités. Il s’agit de micro-barrages installés en montagne sur le cours d’un mayo (cours d’eau de saison des pluies). L’objectif est de ralentir le courant, limitant ainsi l’érosion et donnant le temps à l’eau de rejoindre plus abondamment la nappe phréatique ce qui a pour effet de renforcer les puits environnants… Grand merci à l’association Mil et Blé pour l’appui très important qu’elle apporte à ce volet.

La pluie continue malgré tout à faire des dégâts sur les routes et la circulation en voiture reste très compliquée et source de nombreuses dépenses d’entretien pour les véhicules (que dire du dos des conducteurs et passagers qui en prend un coup à chaque voyage !)

Pour des raisons internes qui n’ont pas besoins d’être évoquées ici, l’atelier de couture n’ouvrira pas ses portes cette année, mais la Promotion féminine continue avec la mise en route des groupes dans les principaux secteurs de la paroisse. Une assemblée générale des femmes aura lieu à la fin du mois d’octobre.

L’atelier de menuiserie fonctionne (quand les nombreuses coupures d’électricité le permettent). Les menuisiers ont appris avec émotion, (grâce à l’attention très délicate de Pierre et Emilie Martin, fondateurs et premiers formateurs du groupe des menuisiers), le décès de M. Fouquet, menuisier sarthois, qui au moment de prendre sa retraite avait donné ses machines et son outillage pour le projet d’atelier de Tokombéré. Nous voulons lui rendre hommage ici et faire savoir à sa famille notre reconnaissance. La fraternité n’a pas toujours besoin de la rencontre pour s’exprimer, vous l’aviez bien compris et l’Evangile de ce dimanche nous le rappelait : Notre vie ne pèse, aux yeux de Dieu, que de l’amour qui la fait vivre… Merci à vous M. Fouquet et, comme on le dit au Cameroun, « Que la terre de vos ancêtres vous soit légère ».

Nous avons vécu, avec le Projet-Jeunes et le P. Justin, un très beau moment à l’occasion des journées de clôture des activités des « Portes de l’Avenir », dont je vous parlais dans le dernier courrier. Ce sont plus de 400 jeunes qui ont passé trois jours ensemble dans le cadre de la paroisse pour des temps de réflexion, d’activités culturelles, sportives, ludiques et pour la prière qui a culminé avec la célébration du 15 août ou les 40 communautés de la paroisse se sont retrouvées sur la colline Baba Simon pour célébrer Dieu en l’honneur de Marie, de Baba Simon (dont c’était le quarantième anniversaire de l’entrée dans la Vie) et de Christian (dont nous fêtions, en paroisse cette fois-ci, le quarantième anniversaire de présence missionnaire à Tokombéré). Pour ceux que cela pourrait intéresser, je mets en pièce jointe l’homélie que j’ai prononcée ce jour.

Avec les catéchistes, nous avons pris le temps de bien réfléchir sur la ‘vérité’ et la ‘qualité’ de notre engagement en ces temps difficiles où les communautés sont en droit d’attendre une parole vraie et claire pour ne pas perdre le Nord… Nous avions l’habitude, chaque année, de faire l’envoi en mission à la Pentecôte. Cette année nous avons préféré attendre la fin du mois de septembre pour vivre ce temps très important de la vie paroissiale. Je me permets de recommander à votre prière chacun de nos 40 catéchistes ainsi que leurs familles (souvent fort nombreuses !).

Avec eux et avec l’Equipe d’Animation Pastorale nous avons préparé les « week-ends de rentrée » qui auront lieu dimanche prochain simultanément dans les 6 secteurs de la paroisse. Dans le cadre de notre thème diocésain, nous réfléchirons avec l’ensemble de la communauté chrétienne sur l’absolue nécessité de se laisser rencontrer et connaître par le Christ pour pouvoir devenir réellement ses témoins dans notre vie de tous les jours. En partant de témoins de cette rencontre (de Marie de Nazareth au possédé Gérasénien en passant par Paul de Tarse, la Samaritaine, le Centurion au pied de la Croix et bien d’autres) nous cheminerons au cours du trimestre pour arriver à chacun et chacune d’entre nous : « Et moi, comment et où ai-je rencontré Jésus ? Qu’est-ce que la rencontre et le chemin que je fais avec lui provoque en moi ? Comment est-ce que je témoigne de Jésus ? »

Au niveau de la zone pastorale du Mayo-Sava j’ai été pas mal occupé ces derniers temps par la passation de service dans quatre paroisses qui changeaient de curé. C’est intéressant parce qu’il s’agit, avec les personnes en responsabilité dans la communauté chrétienne, prêtres ou laïcs, de faire le point sur la vie de la communauté, ses capacités, son dynamisme, mais aussi ses limites, ses zones d’ombre. On s’aperçoit que, si beaucoup ont vraiment compris ce que voulait dire prendre des responsabilités en Eglise, certains ont besoin de revoir leur manière d’être ou de faire pour vivre une véritable coresponsabilité… Nous sommes là devant un problème universel !

Nous avons aussi vécu la journée de rentrée de la zone avec une quarantaine de responsables venus des 10 paroisses qui la compose. Ensemble nous avons partagé les nouvelles et mis sur pied le programme de notre centre de formation de la zone. Nous avons aussi pris acte, bien douloureusement, des nombreux départs de religieuses rappelées par leur congrégation (des 21 religieuses présentes il y a deux ans il en reste 5 !)

C’est pour moi une question terrible… Si je comprenais (un peu) une telle réaction à chaud, le temps de prendre du recul et de se ressaisir, je suis en revanche scandalisé (tenté de tomber) devant le refus de revenir à cause des risques… Nous sommes en train de poser des gestes contreproductifs qui engagent l’avenir de façon dramatique… Si nous pasteurs et responsables pastoraux ne sommes pas fidèles à l’appel : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (fusse au risque du sang) alors nous laissons la place aux barbares qui n’attendent que ça pour s’installer en ‘libérateurs’… Si nos supérieurs nous ont reconnu(e)s aptes à donner notre vie au moment de notre ordination ou de nos vœux de quel droit reprennent-ils ce droit au moment où l’occasion est venue (peut-être ou peut-être pas) de le faire jusqu’au sang. Si nous, les annonceurs de la Bonne Nouvelle, nous plions alors qu’en sera-t-il de nos jeunes confrères ou sœurs quand le problème s’aggravera ?…

Le monde d’aujourd’hui a plus que jamais besoin de témoins et nous ne devons pas oublier la racine grecque de ce mot.

La mission, bien au-delà de la logique des ONG aussi compétentes qu’elles puissent être c’est : Etre avec, comme Jésus à Emmaüs… Porter le poids du jour et de la chaleur et se mettre au service d’une Parole qui vient de plus haut, qui fait autorité et qui touche les cœurs…

Heureusement, nous avons vécu ces dernières semaines deux engagements de religieuses camerounaises dans des congrégations internationales d’origine françaises. Les supérieures concernées sont venues, certaines depuis la France, pour entourer leurs jeunes sœurs, et nous aurons bientôt la visite d’autres supérieures européennes. Cela redonne de l’espoir.

A chaque fois que je me rends dans les paroisses et communautés proches de la frontière, je suis impressionné par la qualité de don de soi qu’y vivent les chrétiens. Ils ont vraiment besoin de notre soutien (et du vôtre, merci d’avance !) mais ils sont aussi pour moi une source de réconfort et d’inspiration. Deux jours après la rencontre de zone que j’évoquais plus haut, un des responsables qui était avec nous perdait sa petite fille de 8 ans, Fidèle, tuée devant chez lui par un kamikaze à peine plus âgé qu’elle ! Nous sommes là au cœur de l’abomination. Demandons à Dieu de nous donner la haine du péché en nous-mêmes pour pouvoir aimer le pécheur qui nous fait du mal…

Je mets en pièce jointe de ce courrier un article écrit par un journaliste de RFI récemment venu dans la région. Il me semble, malheureusement, donner un bon aperçu de ce que nous vivons dans la région ces derniers temps…

Merci de rester à nos côtés et de vos nombreux, petits ou grands, signes de communion…

Bonne semaine missionnaire à tous !

Nous sommes ensemble…

Grégoire

Comment parler de Dieu aujourd’hui ?

Il n’y a pas de réponse technique ou théorique, mais nous avons, chacun de nous, à être une réponse, une réponse que nous ne comprenons pas, mais que nous sommes, en suivant le Verbe sur son chemin de croix (et de joie). Il ne s’agit plus d’avoir une rhétorique sublime ni de se vanter de n’avoir aucune rhétorique. L’essentiel n’est pas du côté de l’avoir mais de l’être. L’essentiel est d’être, avec le Christ, une parole vivante et livrée à autrui, et donc moins d’avoir une parole sur Dieu que d’être les uns pour les autres une parole de Dieu. Vos adversaires ne pourront y résister. Ce qui leur sera assez insupportable. Ne pouvant vous clouer le bec, ils essaieront de vous clouer tout entier. Et c’est pourquoi, avec un peu de chance, ils vous mettront à mort. Le langage de la Croix aura atteint alors son maximum d’efficace, puisque, malgré eux, vos bourreaux achèveront votre conformation à la Parole crucifiée…

Fabrice Hadjadj,
Comment parler de Dieu aujourd’hui,
Salvator, Paris, 2012, p.214-215

Grégoire CADOR, Aux amis du diocèse, 23 Juillet 2015

P. Grégoire CADOR

Tokombéré, le 23 juillet 2015

Aux amis
du diocèse de Maroua-Mokolo
et de Tokombéré

Chers amis,

Trois mois se sont encore passés depuis mon dernier courrier du 23 Avril…

Beaucoup de choses…

Je ne peux pas ne pas commencer par la nouvelle qui vous a déjà rejoints (les nombreux mails que j’ai reçus depuis en sont la preuve) du double attentat kamikaze qui a eu lieu hier après-midi au marché central de Maroua…

2 jeunes filles pour ne pas dire des fillettes ont explosé aux deux extrémités du marché central de Maroua provoquant plus d’une dizaine de morts sur le coup et des dizaines de blessés. Le bilan sera certainement très lourd.

Le marché central est le véritable cœur de Maroua. On vient de toute la province pour s’y ravitailler et il est toujours rempli de monde… C’est là que nous faisons nos courses hebdomadaires ! Ces attentats font suite à ceux de Fotokol, 250 kms plus au Nord, qui ouvraient le bal des attentats kamikazes au Cameroun le 13 Juillet dernier.

Nous savions que tôt ou tard le Cameroun allait s’ajouter à la longue liste des pays victimes de ce type d’attentats. Ils sont la marque de la violence aveugle et inouïe dont font preuve ces fous soi-disant religieux qui veulent enflammer le monde actuellement. Boko Haram depuis quelques temps revendique son appartenance à DAESH et se fait appeler désormais « Etat Islamique en Afrique de l’Ouest » ce qui n’est pas pour rassurer et montre que les ramifications de cette lèpre fanatique continuent de s’étendre un peu partout.

J’ai eu de nombreux contacts avec des amis musulmans suite à l’attentat, tous sont révulsés devant l’horreur et veulent resserrer les liens entre les communautés pour faire front ensemble.

La lueur d’espoir dont je parlais dans mon dernier courrier due à l’élection du nouveau président nigérian tarde à se transformer en torche de la victoire… Pendant ce temps les terroristes prouvent qu’ils ont encore beaucoup de ressources et de détermination.

Nous aussi nous devons entretenir notre détermination. Pour cela, je vous redis avec beaucoup d’insistance que nous avons besoin de l’engagement sans faille de vous tous dans tout ce qui peut aider le monde à rester serein : Prière, réflexion, rencontre, conversion du regard, des cœurs et des mentalités… et tout ce que vous saurez imaginer pour favoriser la fraternité universelle. C’est urgent et plus important que n’importe quelle mobilisation militaire aussi justifiée puisse-t-elle être !

A la fin de l’année pastorale en mai dernier nous avons eu une belle rencontre des équipes apostoliques des 12 paroisses et districts de la zone. J’ai été frappé, ému même, de voir comment  les communautés qui sont proches de la frontière et qui ont vécu des choses très difficiles, ont toute commencé leur compte-rendu, sans concertation, en remerciant les autres communautés de les avoir soutenus dans la prière qu’elles avaient ressentie ‘’physiquement’’… Cela rejoint tout à fait mon expérience personnelle à Tokombéré. C’est pourquoi je me permets d’insister : la communion des saints est une réalité qui nous dépasse mais qui nous tire au-dessus de nous-mêmes et nous permet d’annoncer l’espérance au cœur de la nuit…

Nous avons pu, à la fin du mois de mai, célébrer une messe pour les victimes de Boko Haram, présidée par l’évêque lui-même à Ldubam-Torou, sur la frontière avec le Nigéria là où vivait Luc Berke, l’administrateur de district dont je vous parlais dans mon courrier d’octobre 2014. Grande émotion quand nous avons lu devant une église pleine à craquer la longue liste des victimes de tous âges. Tout le monde ou presque les connaissait et avait des souvenirs en commun. Monseigneur a rendu grâce pour le témoignage de nos communautés qui sont restées au cœur de la tourmente pour dire qu’il est possible de vivre en frères…

Nous avons d’ailleurs choisi comme thème pour la nouvelle année pastorale au niveau diocésain : « Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1,8).

Les extrémités de la terre c’est là où je suis, au moment où j’y suis… Ce thème mobilise donc tous ceux qui se reconnaissent disciples du Christ. Il n’est pas réservé aux missionnaires qui partent au loin… Là aussi, nous sommes ensemble !

Quelques nouvelles de la paroisse de Tokombéré et du Projet de promotion humaine :

Les jeunes agriculteurs de Kotraba (j’hésite à les appeler encore jeunes, depuis le temps !) ont vécu leur assemblée générale annuelle et nous ont fait part de leur souci devant la recrudescence de vols dans leur quartier. Après réflexion, ils ont décidé de demander et ont obtenu du sous-préfet, le droit de se constituer en comité de vigilance officiel ce qui leur donne autorité pour interpeller les malfaiteurs et les déférer chez le chef de village. Il semble que cela porte du fruit et en tout cas leur redonne courage…L’année dernière n’a pas été une bonne année au niveau des récoltes pour eux mais celle qui commence s’annonce apparemment très bien… Croisons les doigts !

La visite de notre évêque au collège Baba Simon a été l’occasion de faire le point avec lui et de lui faire découvrir les nombreux soucis que nous avons pour maintenir une structure éducative de qualité au service des pauvres… Avec lui nous réfléchissons des moyens à mettre en œuvre pour continuer ce qui est la mission première de l’Eglise : Annoncer l’Evangile aux pauvres en prenant avec eux le chemin du développement.

Grand changement annoncé au niveau de l’école primaire. Monsieur Albert Avindangway, directeur de l’école St Joseph et conseiller pédagogique de la zone Mayo-Sava nous quitte à la rentrée pour continuer à servir plus près de chez lui. Nous rendons grâce pour l’énorme travail qu’il a abattu en collaboration avec nous. C’est avec lui qu’Emilie Martin dans un premier temps et Danièle Morice surtout ont beaucoup travaillé pour la mise en place de la nouvelle programmation dans nos écoles. Nous lui souhaitons bonne continuation ainsi qu’à Pauline sa femme et à ses dix enfants… et nous accueillons avec joie notre nouveau directeur, M. Mota Sébastien, qui semble bien décidé à continuer le travail entrepris par son prédécesseur.

En mai, nous avons vécu une belle journée de récollection avec les 50 catéchistes de la paroisse accompagnés de leur épouse. En ce moment nous réfléchissons avec eux comment mieux structurer leur travail et leur engagement au service des communautés. C’est pourquoi l’envoi en mission, qui a traditionnellement lieu le jour de la Pentecôte, a été reporté au début de septembre.

Le 23 mai, les jeunes, sous la houlette du P. Justin, ont lancé la troisième édition des Portes de l’Avenir. Actuellement ils mettent sur pied des activités en tout genre dans les divers secteurs de la paroisse. Nous conclurons le tout par le rassemblement paroissial des jeunes du 12 au 15 août au cours duquel nous célébrerons les quarante ans de la mort de Baba Simon le 13 août 2013.

Cet anniversaire sera aussi l’occasion d’un pèlerinage de prêtres appartenant à la famille Jesus Caritas (famille spirituelle de Charles de Foucauld) que Baba Simon a fondée au Cameroun et en Afrique. Le P. Justin et moi-même sommes membres de cette fraternité. Nous attendons une petite vingtaine de prêtres tchadiens et une dizaine de prêtres camerounais qui veulent enraciner leur engagement dans l’exemple de Baba Simon.

J’ai eu la joie de revoir bon nombre d’entre vous lors de mon récent congé en France même si j’ai regretté de ne pas avoir eu l’occasion de rencontrer tout le monde et notamment la communauté chrétienne de La Flèche. Cela ne m’empêche pas de vous garder tous dans ma prière en espérant qu’il en est de même…

Nous sommes ensemble.

Grégoire

Au cours de mes lectures récentes, je suis tombé sur le « petit traité de la joie » de Martin Steffens (Editions salvator 2011). Je vous en propose un extrait qui invite à l’engagement au cœur de la réalité telle qu’elle est qui est tout autre que la résignation. Pour tous ceux qui ont un combat à mener contre l’adversité, la maladie ou toute autre forme de souffrance, il est tonifiant :

 « Il faut non seulement distinguer mais opposer consentement et résignation. Le oui de l’un diffère du tout au tout du oui de l’autre. La résignation est de ces oui qu’on dit du bout des lèvres. Son intensité est lâche comme le sont ses filets : le résigné dit oui à tout, même au mal par lequel il se laisse abattre. Le consen­tement, au contraire, en clamant haut et fort son adhésion, offre sa voix à ce qu’il y a de puissant dans la vie. Tout oui véritable dit non à la mort. Or la résignation, en baissant les bras, en les privant soudain du tonus qui tient le mal éloigné, les ouvre à tout-va. Elle est un oui qui ne sait pas dire non à ce qui, pourtant, doit mourir. Elle n’a que l’apparence du oui puisqu’elle n’est jamais qu’un renoncement. Son adhésion est une adhérence : la résignation nous plombe un peu plus, comme la mouche collée au fond d’un verre s’arrête enfin de remuer les ailes. Le consentement, de son côté, ouvre énergiquement les bras. Mais par-là, il circonscrit le champ de son adhésion : il embrasse pour étreindre et, dans son étreinte, se ferme à la mort. Quand on dit : « Oui, je veux vivre, malgré tout », quand on affirme : « Si telle est mon épreuve, alors je la vivrai », on ajoute sa puissance à la puissance de vie qui nous anime. Si le consentement a en effet quelque chose du laisser-être (on touche avec les yeux), il n’a rien du laisser-aller : l’homme qui consent reconnaît la limite de son pouvoir sur les choses. Mais cette défaite est sa plus grande victoire : il ne s’agit plus de défaire ce qui fut fait mais de se défaire de son illusoire toute-puissance afin de donner à cette vie-ci, celle que nous avons à vivre, le meilleur de nous-mêmes.

En ne se refusant pas à l’épreuve, en prenant acte de ce qu’il y a à vivre, l’homme qui consent redistribue les armes et affronte le mal.

Consentir, c’est voir ce qui est, pour ne plus pleurnicher sur ce qui aurait dû être. C’est s’offrir au présent, prendre acte des forces en présence et y livrer la sienne – là où la rési­gnation n’est possible que d’avoir usé le présent à coup de « si seulement… ».

Un peu plus loin, Steffens cite Alain Cugno :

« L’acquiescement authentique à la souffrance ne vise pas la souffrance elle-même, mais le refus de l’esquiver, afin de pouvoir la surmonter de l’intérieur. »

Sursum Corda ! Haut les cœurs ! Il y a du pain sur la planche…

Aux amis du diocèse de Maroua-Mokolo et de Tokombéré

P. Grégoire CADOR

Tokombéré, le 23 avril 2015

Aux amis
du diocèse de Maroua-Mokolo
et de Tokombéré

Chers amis,

Trois mois déjà depuis ma lettre du 24 janvier…

Entretemps j’ai eu la joie de revoir certains d’entre vous lors de mon passage éclair en Sarthe pour la conférence de sensibilisation que Mgr Le Saux m’a permis de faire au Mans. Grand merci à lui et à tous ceux qui ont ouvert le cœur du diocèse du Mans à nos frères déplacés de Maroua-Mokolo.

Je voulais vous remercier tous très chaleureusement pour votre mobilisation physique, spirituelle et matérielle à cette occasion…

Certains qui ne pouvaient pas être là l’ont été quand-même grâce à d’autres qui ont très largement relayé les infos et le cri d’alarme que je voulais faire entendre. Merci à tous, grands et petits, de ces efforts qui mettent en œuvre la communion des saints de manière visible et palpable.

Merci à tous ceux qui ont « mis la main au portefeuille »… Les dons pour la Caritas diocésaine continuent d’arriver et ont déjà dépassé les 30.000 euros. Cela va vraiment nous « aider à aider »… Merci à tous.

Au-delà de la question matérielle, je suis très touché par les nombreux courriers qui continuent de manifester l’intérêt et le souci de beaucoup à notre cause qui rejoint celle de très nombreuses personnes à travers le monde. Ne relâchez pas vos efforts. Il est plus qu’urgent de faire retentir en nos vies l’écho de l’amour de Dieu pour tous les hommes, bons ou mauvais.

Je le dis et je le répète, chrétiens, nous sommes dépositaires de la Bonne Nouvelle de la fraternité universelle.

Citant le philosophe musulman Abdennour Bidar, le Pasteur Agnès Lefranc, de l’Eglise protestante unie du Mans, sollicitée pour une conférence à la paroisse de la Couture au cours du Carême 2015 ? disait : «la fraternité s’apprend. On ne naît pas fraternel, on le devient.» Je voudrais aller même au-delà en redisant que la fraternité nous précède puisqu’elle nous vient comme un héritage reçu de Dieu. Comme tout héritage, il nous faut l’apprivoiser. Et alors : Oui, la fraternité s’apprend. Car, si nous naissons frères, nous ne sommes pas toujours spontanément, ni forcément fraternels. Mais nous sommes appelés à le devenir…

Le monde d’aujourd’hui est un formidable défi à notre foi.

Les horreurs que nous voyons défiler sur nos écrans de télé actuellement sur ce qui se passe en méditerranée sont les conséquences directes de ce que la Pape dénonce comme la mondialisation de l’indifférence. La coupe est pleine et commence à déborder ! Il va bien falloir un jour que les riches acceptent de partager avec les pauvres, autre chose que les miettes qui tombent de leurs tables… Il va bien falloir trouver d’autres chemins que la violence et l’édification de barrières pour contenir la « montée des frères ». Aucun blockhaus, aucune forteresse ne pourra jamais contenir ni mettre à l’abri du frère qui a faim !

La seule solution c’est le partage ! Et donc la « déprise » de soi et la remise en question des avantages acquis.

Dans le véritable microcosme ou monde en miniature qu’est Tokombéré, nous avons vécu, il y a peu, les habituelles « Journées de Promotion Humaine ». Elles ont rassemblé pendant deux jours, un millier de responsables villageois venus de tous les secteurs de la paroisse. Chrétiens, musulmans, pratiquants de la religion traditionnelle, originaires d’une dizaine ethnies différentes. Je ne résiste pas, pour commencer, à vous donner l’intitulé de l’invitation qui a été mis au point par les organisateurs :

Thème retenu: « Etre Homme (homme et femme) aujourd’hui à Tokombéré ».

En 2015, nous constatons que nous sommes brassés les uns avec les autres (ethnies, religions…). Nos racines s’entremêlent et parfois se mélangent. Cela nous fragilise car nous ne savons plus exactement qui nous sommes et ce que veut dire être un homme aujourd’hui. Il n’est plus possible, comme autrefois, de nous construire en opposition les uns contre les autres. C’est ensemble, les uns avec les autres, que nous pouvons définir vers quoi nous voulons marcher. C’est le rôle de notre Projet de Promotion Humaine. Nous aurons à nous poser les questions suivantes :

1. Qui suis-je aujourd’hui comme être humain ?

a. en tenant compte de mes racines
b. en tenant compte des questions nouvelles qui se posent
c. en tenant compte des blocages que je rencontre partout

2. Que puis-je espérer ?

a. Quels sont mes objectifs et mes désirs ?
b. Comment m’ouvrir à ceux des autres ?

3. Que pouvons-nous faire pour atteindre ensemble ces objectifs ?

a. Le Projet de Promotion Humaine (PPHT) peut-il nous aider dans ce sens ?
Comment ?
b. Et moi, que puis-je faire là où je suis ?

Et pour vous donner un aperçu de la qualité du travail abattu, je vous livre un extrait de l’introduction du P. Justin : «Nos journées doivent nous obliger à changer, à reconnaitre notre identité, permettre de discuter ensemble pour voir ce qui est bon et ce qui est mauvais. On ne peut pas être un individu aujourd’hui sans être solidaire, on ne peut plus vivre aujourd’hui comme ont vécu nos ancêtres autrefois. Seul, je ne peux rien, il faut coopérer pour qu’on se développe. Il faut dépasser nos différences pour s’identifier, construire l’Homme nouveau.»

Continuons avec les nouvelles :

Le 19 mars, jour de la St Joseph nous avons vécu la passation de service entre l’ancien et le nouveau médecin-chef ! Après quarante ans, Christian passait la main à Jean-Pierre au cours d’une célébration pleine d’émotion et de simple dignité. La vie continue et Christian garde la lourde responsabilité de l’ensemble du Projet de Promotion Humaine et de curé de la paroisse !

Mgr Bruno Ateba, notre nouvel évêque, a effectué sa première visite au collège Baba Simon. Il a visiblement été impressionné par tout ce qui s’y fait. Il semble décidé à nous aider à continuer les efforts malgré les nombreuses difficultés que nous rencontrons devant la concurrence des très nombreux établissements publics qui se multiplient de façon anarchique autour de nous.

Monseigneur reviendra bientôt pour ouvrir le temps des « Portes de l’Avenir » avec le Projet-Jeunes et célébrer une cinquantaine de confirmations.

Nous avons vécu un très belle et fervente Semaine Sainte enracinée dans la foi et l’espérance avec en point d’orgue 55 baptêmes le jour de Pâques (une vingtaine d’autres étant répartis dans les semaines suivantes et les différents secteurs de la paroisse). Dans le contexte que nous vivons les mots et gestes de la liturgie pascale sont plus qu’évocateurs et se passent aisément de commentaires. En communion avec nos frères persécutés des églises d’Orient, je reprends juste ces mots tiré de leur liturgie : « C’est aujourd’hui le jour de la résurrection ! Soyons rayonnants pour la fête et embrassons-nous les uns les autres. Disons, ’O frères’, même à ceux qui nous haïssent ! Et crions: le Christ est ressuscité d’entre les morts ; à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie ! »

L’assemblée des « jeunes agriculteurs de Kotraba » a permis de faire le point avec eux sur les grandes difficultés qu’ils ont rencontrés cette année avec une récolte très moyenne et la situation d’insécurité qui les a particulièrement menacés. Cette année il n’a pas été possible d’envisager de nouvelles recrues mais nous comptons bien reprendre l’an prochain.

Concernant Boko-Haram nous étions dans une relative tranquillité depuis quelques semaines mais la semaine dernière le village musulman de BIA, situé à une cinquantaine de kms de chez nous (à environ 10kms de la frontière), a été entièrement détruit par le feu, une vingtaine de personnes tuées et une grande quantité de bœufs emportés… Nous devons rester très vigilants dans tous les sens du mot.

Le résultat des récentes élections présidentielles et régionales au Nigéria laissent entrevoir une lueur d’espoir. Le nouveau président semble décidé à prendre le problème Boko-Haram à bras le corps ainsi que les causes de son émergence dans la région.

Le 09 mai, nous allons conclure le cycle de formation interreligieuse dont je vous ai souvent parlé. Nous invitons tous les participants et intervenants des premiers week-ends (environ 140 personnes) pour une journée de synthèse et de réflexion sur le thème de «l’engagement du croyant dans la société.» Merci à ceux qui prient de penser à nous ce jour-là !

Début mai nous aurons aussi l’Assemblée générale des jeunes menuisiers qui se fait normalement en mars mais cette année le calendrier a perdu ses repères !

Avec les parents qui acceptent de prendre bénévolement du temps pour cela, nous sommes en train de mettre sur pied les chantiers de vacances 2015 qui permettent aux élèves de familles pauvres de s’inscrire au collège Baba Simon.

Voilà en gros les nouvelles qui vous montrent que nous ne nous ennuyons pas et que nous savons que la violence n’est pas le dernier mot !

Merci d’être avec nous.

Nous sommes ensemble.

A bientôt.

Grégoire

Je propose à votre médiation un texte de Paul Bhatti, chrétien pakistanais dont le frère Shahbaz ministre pakistanais des minorités religieuses, assassiné en 2011, disait dans son testament : «Je me considérerai comme un privilégié si – dans mon effort et dans cette bataille qui est la mienne pour aider les nécessiteux, les pauvres, les chrétiens persécutés du Pakistan – Jésus voulait accepter le sacrifice de ma vie. Je veux vivre pour le Christ et pour lui je veux mourir.»

La violence fondamentaliste a-t-elle encore un lien avec la religion ?

« Les attaques récurrentes contre les chrétiens en Irak, au Pakistan, en Syrie ou encore au Nigeria ont une racine commune : l’idéologie de groupes terroristes qui utilisent la religion pour imposer leurs vues et s’en prendre aux plus fragiles. C’est le cas en Irak avec l’État islamique (EI), mais aussi au Pakistan où les violences faites aux chrétiens sont directement proportionnelles à l’instabilité politique, économique et religieuse du pays. Aussi la tentation est grande d’établir un amalgame entre la religion apparemment en cause, à savoir l’islam, et ce qu’en font ces groupes terroristes qui bénéficient de nombreux soutiens financiers à travers le monde.

Aucune religion ne permet de tuer ou de mourir au nom de Dieu. Dans les textes bibliques ou coraniques, seul Dieu a le pouvoir de donner ou de retirer la vie. Ceux qui, au nom de l’islam, tuent des innocents, font l’apologie du suicide ou considèrent les autres religions comme ennemies n’ont rien à voir avec la religion dont ils se réclament. Tout discours religieux part du respect de l’humanité et ne vise qu’une victoire, celle de l’amour. Qui s’impose par la force dévoie la religion, chrétienne ou musulmane.

« La grande pauvreté et l’absence d’éducation constituent le terreau privilégié du terrorisme » 

En tant que chrétien engagé dans la défense des minorités au Pakistan, je connais l’islam de l’intérieur. J’ai suffisamment étudié ses textes pour savoir que leur interprétation varie d’un pays à l’autre et que l’histoire des premiers siècles de l’islam – en particulier la décision de faire la guerre ou non – ne doit jamais être séparée de son contexte et ne peut servir de règle à toutes les époques. Au Pakistan, je côtoie aussi beaucoup de musulmans de bonne foi qui aspirent au dialogue et à la paix. Certains l’ont payé de leur vie, comme Salman Taseer, gouverneur musulman du Pendjab, assassiné en janvier 2011 parce qu’il prenait avec mon frère, le ministre Shahbaz Bhatti, la défense des chrétiens emprisonnés à cause de la loi sur le blasphème. Aujourd’hui encore, des avocats et activistes musulmans des droits de l’homme défendent les chrétiens au Pakistan, bravant tous les jours la peur et les menaces. Ils sont à mes yeux la plus belle expression de l’islam.

Parce que la violence qui se déchaîne sous nos yeux n’est pas de nature religieuse, les leviers sur lesquels nous pouvons agir sont avant tout politiques et sociaux. La grande pauvreté et l’absence d’éducation constituent le terreau privilégié du terrorisme. C’est pourquoi il revient aux leaders politiques et religieux de s’asseoir autour d’une même table afin d’examiner les vrais problèmes de leur pays et de prendre des mesures concrètes, à commencer par la fermeture des écoles religieuses où les enfants sont endoctrinés dès leur plus jeune âge. La Turquie, l’Indonésie ou les Émirats arabes unis ont accompli de réels progrès dans ce sens et sont parvenus à diminuer leur niveau de violence. »

Propos recueilli par Samuel Lieven
La Croix du 05 septembre 2014

Aux amis du diocèse

Tokombéré, le 30 Août 2014

Aux amis
du diocèse de Maroua-Mokolo
et de Tokombéré

Chers amis,

Comme promis je reviens vers vous pour donner quelques nouvelles après avoir repris pied dans la réalité locale.

Plusieurs parmi vous me disent que les nouvelles de notre région qu’ils reçoivent sporadiquement par les médias sont confuses et peu rassurantes. C’est malheureusement un reflet de la réalité dans laquelle il est bien difficile de voir clair.

Le chef de Boko-Haram, probablement mal inspiré par l’exemple de l’Irak selon des connexions qu’on a du mal à cerner précisément, a décrété il y a quelques jours dans une vidéo envoyé à l’AFP, la création d’un califat islamique dans cette région du Nigéria. Ce n’est pas fait pour rassurer. Vous aurez appris aussi, les journaux en ont parlé, que de très nombreux soldats nigérians (plus de 500 en tout cas), ont demandé asile à l’armée camerounaise (repli stratégique selon les autorités nigérianes, panique face à l’ennemi selon d’autres). Ils ont été accueillis et ensuite reconduits au Nigéria par un autre chemin escortés par l’armée camerounaise. Cette dernière semble prendre de mieux en mieux la situation en main, même si la région reste très insécure. Face à cette situation, les populations camerounaises proches de la frontière commencent à se réfugier à Mora (chef-lieu du département du Mayo-Sava, situé à 25 kms de Tokombéré), à Kolofata et dans d’autres centres. On dénombrait 12.000 réfugiés le à la date du 30 août… (Cf. Note du comité Justice et Paix en pièce jointe n° 1) Il est désormais interdit de circuler en moto dans le département. C’est extrêmement handicapant pour tous ceux qui font de l’animation dans les domaines pastorale, sanitaire éducatif, agricoles. J’ ai obtenu une dérogation du préfet pour les prêtres et administrateurs laïcs de districts et les démarches sont en cours pour les autres…

Cependant, il faut noter, et c’est extrêmement important, que l’opinion publique locale semble avoir nettement compris que le problème n’est pas un antagonisme musulmans / chrétiens et que la bonne entente prévaut encore entre nos communautés. Notre proximité dans l’épreuve est une force de résistance. Le « forum des jeunes chrétiens et musulmans pour la paix et le développement » qui a rassemblé 400 jeunes (1/3 musulmans; 1/3 protestants et orthodoxes, 1/3 catholiques) le 07 août dernier, en a été une belle illustration. (Cf. déclaration finale en pièce jointe n° 2). Merci de votre réponse efficace à mon appel de soutien spirituel du 04 août dernier…

« Les ronces qui entravent notre marche en avant alimentent un feu qui éclaire le chemin » nous dit Frère Aloïs de Taizé.

Je continue tout naturellement avec les bonnes nouvelles (heureusement elles sont nombreuses) en évoquant les très belles rencontres des « Portes de l’Avenir 2ème édition » qui se sont déroulées en juillet dans les secteurs de la paroisse et dont le rassemblement final à eu lieu du 12 au 15 août à Tokombéré Centre. Le P. Justin et les responsables du Projet-Jeunes conduits par Joseph Bouba leur président, nous ont donné un très bel exemple d’engagement pluriconfessionnel et intelligent au service d’une réflexion vraiment enracinée dans la réalité.

Dans le dynamisme de ces Portes de l’Avenir les jeunes sont en train d’élire leurs présidents dans les 6 secteurs géographiques de la paroisse, les 42 étudiants du Cety (de Yaoundé, Ngaoundéré, Douala, Maroua…) qui constituent le 7ème secteur du Projet-Jeunes, ont élu leur nouveau bureau national lors de leur assemblées générale, et puis tous, éliront le responsable paroissial le 13 septembre prochain pour lancer dès maintenant les « Portes de l’Avenir 3ème édition ».

Comme un peu partout, c’est la rentrée qui s’approche à grands pas (le 08 septembre prochain) les inscriptions vont bon train dans les 4 écoles primaires et au collège. Les assemblées générales mobilisent les parents d’élèves, et les réunions de pré-rentrée se multiplient tout autour de nous. Sans faire d’humour déplacé on sent bien que Tokombéré est bien Boko-Halal et non Boko Haram !…

A la paroisse nous lançons ce week-end le nouveau thème d’année diocésain « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (cf. pièce jointe n° 3) Notre idée, comme pour les Portes de l’Avenir avec le Projet-Jeunes, c’est de donner la parole (mais aussi La Parole) à un maximum de personnes et de ne pas la laisser monopolisée par un petit groupe aussi brillant puisse-t-il être. Il s’agit de jouer le mieux possible la carte de la coresponsabilité baptismale et, au-delà, humaine. L’objectif est de donner l’occasion à chacun d’exprimer le meilleur de lui-même au service de la communauté. Dans le contexte fragile dans lequel nous sommes cela prend une dimension très forte. Je voudrais citer, à ce propos, un extrait très émouvant du témoignage des trois otages de Tchéré libérés le 1er juin: « Dans le dialoguer entre nous, nous avons appris que ce qui nous uni est plus fort que ce qui nous divise; que la force de l’un c’est la force de tous et que la faiblesse de l’un c’est la possibilité de puiser dans la puissance de Dieu et dans la lumière de la résurrection. »

A propos des otages de Tchéré, j’ai eu la chance de rencontrer Gianantonio et Giampaolo en Italie au cours de mon congé. Moment de grâce et de communion missionnaire très profonde. Ils m’ont remis une petite vidéo de quelques minutes à l’intention des catéchistes et paroissiens de Tchéré. Je suis donc allé la présenter à une assemblée très nombreuse composée de jeunes et d’anciens très touchés de ce geste de communion au-delà de l’épreuve.

Notre nouvel évêque et notre évêque émérite sont partis à Rome pour la visite Ad-Limina des évêques du Cameroun. Nous allons les retrouver pour les journées diocésaines qui réunissent, au mois d’octobre, des représentants des 41 paroisses et districts paroissiaux.

Merci de penser au P. Justin qui est reparti à Yaoundé pour une opération de son bras qui continue à donner du souci. Nous espérons que cela pourra résoudre enfin le problème qui le handicape beaucoup.

Vous avez su le drame de l’incendie de la maison du P. Christian quelques jours avant son retour en juin… Il y a eu un immense élan de mobilisation… La reconstruction à l’identique est presque achevée ! Merci à vous tous pour la générosité et la solidarité. Pour l’instant nous sommes voisins de chambre car Christian habite dans la chambre de Baba Simon… Retour aux sources!

Je termine avec une note agricole. Les pluies sont abondantes et le mil pousse un peu partout redonnant espoir à chacun même si la production d’arachides sur le plateau semble assez mal partie.

Nous sommes ensemble!

Grégoire

Lettre aux frères du mois de Nazareth à l’Irlande et bienfaiteurs

Aux frères d’Irlande rassemblés pour le mois de Nazareth et à tous nos bienfaiteurs.

Nous sommes 24 prêtres de la Fraternité Jesus-Caritas rassemblés pour le mois de Nazareth à Kribi au Cameroun.

Nous venons de différents pays d’Afrique : Burkina, Cameroun, Centrafrique, Madagascar, Tchad, France.

C’est pour nous tous un temps très fort de fraternité, de prière et d’échanges sur nos ministères respectifs et sur notre vie selon l’intuition de Nazareth.

Pour vivre ce rassemblement, plusieurs d’entre nous ont fait l’expérience de la difficulté de passer les frontières (Centrafrique, Madagascar…) ce qui a provoqué quelques retards.
Mais maintenant nous sommes tous au complet. Et c’est une grande joie pour nous ! Nous rendons grâce au Seigneur de nous avoir donné de nous rassembler ainsi.

Après une première et riche semaine de relecture de vie, nous avons vécu une belle semaine de retraite prêchée par Mgr Philippe Stevens, évêque émérite de Maroua-Mokolo (Cameroun) et Petit Frère de l’Evangile. Nous entrons actuellement dans la semaine de découverte ou d’approfondissement du Message de Charles de Foucauld animée par Jean-François Berjonneau.

Nous mesurons combien le charisme du Frère Charles comme « frère universel » revêt une grande actualité dans ce contexte de mondialisation et d’incertitudes sur l’avenir pour de nombreux pays.

C’est pourquoi nous éprouvons le désir de venir vous rejoindre, vous qui faites aussi cette expérience du mois de Nazareth en Irlande.

Nous sommes tous unis dans la passion du Frère Charles pour son Bien Aimé Seigneur Jésus-Christ qui nous a appelé à crier l’Evangile par toute notre vie pour que toute personne humaine, en particulier les pauvres et les exclus soient reconnus comme frères et sœurs bien-aimés.

Nous croyons que nous sommes en communion les uns avec les autres dans ce désir commun, qui nous tient ensemble, d’approfondir le message spirituel du Frère Charles.

Et nous remercions de tout cœur tous ceux qui ont contribué par leur soutien fraternel et solidaire à la réalisation de ce mois de Nazareth qui nous comble de joie et nous donne un nouvel élan pour la mission. Merci de continuer à nous porter dans la prière comme nous le faisons pour vous. Selon la belle expression camerounaise : « Nous sommes ensemble ! »

P. Grégoire CADOR
Paroisse St Joseph de Tokombéré, Cameroun