Ma petite vie à Tamanrasset, Jean Pierre LANGLOIS (Québec)

17 mars 2017

Ma petite vie à Tamanrasset

De retour à Tamanrasset depuis le début de février, le train-train quotidien a repris. Pas de grandes choses. Mais je vis bien, je ne suis plus acculé à ménager parce que je n’ai pas l’argent nécessaire (ici, la carte de crédit est ignorée, y compris à Alger). Peu à peu, je peux améliorer les plats cuisinés (il me faut m’ingénier à préparer les plats avec ce qui est disponible sur place).

Nous sommes une petite communauté de 20 à 25 personnes, dont 2 petits frères de Jésus et une petite sœur du Sacré-Cœur, 2 ou 3 Algériens Kabyles qui travaillent sur place et une vingtaine de migrants subsahariens de passage, que ce soit de façon prolongée ou non.

Avant tout, 2 tâches me semblent primordiales dans ma présence à Tam : offrir les services sacramentels (surtout l’Eucharistie) de façon régulière; et, assurer une présence faite de partage simple de la vie quotidienne, une disponibilité dans l’accueil et la visite des gens qui veulent bien nous honorer de leur hospitalité, une “pastorale de la proximité” pourrait-on dire.

Le Carême est là. J’ai suscité des échanges après la messe les vendredis matins – jour de congé -. Les participants sont pour la plupart des migrants qui travaillent sur place pour se refaire une santé économique avant de repartir ailleurs, la plupart du temps en route vers l’Europe. Avec les dangers effrayants que cela suppose. Pour les femmes, ce n’est que pire encore… Alors réfléchir sur la Parole de Dieu lorsqu’on se demande comment on trouvera du travail et de quoi manger le soir même, cela n’apparaît pas toujours des plus pertinents à leurs yeux, probablement. Ils ne le diront pas, mais… ils participent volontiers.

Puisque je ne fais qu’arriver, et que forcément mes relations humaines sont très limitées, que je ne parle pratiquement ni l’arabe dialectal algérien ni le tamahaq (langue des Touaregs), ce second volet est extrêmement réduit jusqu’à maintenant. Lorsque je vais saluer des familles dans la ville, c’est essentiellement en accompagnant l’un ou l’autre des membres de la petite équipe d’animation de la communauté chrétienne, les 2 petits frères de Jésus ou la petite sœur du Sacré-Cœur.

Sinon, il s’agit de rencontres jusqu’ici brèves avec des migrants venant du sud du Sahara, de passage plus ou moins longtemps à Tamanrasset, et qui finissent par vouloir me consulter sur un aspect moral ou spirituel de leur existence. Car, pour ce qui est du plan matériel, je serais bien en peine de les aider efficacement. Cela me facilite d’ailleurs la tâche de vivre moi-même une simplicité “volontaire” de l’existence !

Notre petite communauté, et la ville même de Tamanrasset, constitue une étape vers le mirage de l’Europe que certains et certaines poursuivent sans arrêt. Et pourtant Jésus et son Esprit travaille malgré tout ces personnes bien avant que nous les interpellions. Au fond, c’est Lui qui appelle.

C’est aussi un peu pour cela que je suis arrivé à Tamanrasset. Pour le moment, mon horaire est plus que léger. Mais je ne cherche pas à le remplir à tout prix. Je profite de ce temps de liberté. Sans doute l’âge et les expériences antérieures m’aident. J’essaie de mieux prier, sinon davantage.

Sur le chemin entre Tamanrasset et Iffok – février 2017

Du nouveau : aller en-dedans

Il y a maintenant 3 semaines que je vais visiter des prisonniers chrétiens avec la petite sœur du Sacré-Cœur. Un autre monde à découvrir, à apprivoiser : leur être disponible, mais sans attente particulière. Ce sera une belle ascèse pour le Carême ! Une démarche de gratuité. Je suis heureusement accompagné de la petite sœur du Sacré-Cœur qui les visite depuis déjà 2 ans. J’en ai rencontré deux. On échange sur leurs préoccupations, on lit un psaume et des extraits de la Bible.

Mon train-train quotidien

La poussière, je ne fais que commencer à en manger !! L’hiver aidant, les fenêtres restaient fermées, et la poussière soulevée par le vent restait à l’extérieur. La saison des vents est maintenant arrivée, mais pour le moment, ce n’est pas trop dérangeant. Ça sent le printemps, les bourgeons de fleurs éclatent et de petites feuilles apparaissent au grenadier, au citronnier du jardin du presbytère. Ce qui fait une jolie différence avec votre tempête de neige et les grands froids des derniers jours. La nuit reste fraîche, mais le jour, la température se réchauffe avec l’omniprésence du soleil. Jusqu’à 24 ou 28 degrés Celsius. J’arrête… je ne veux pas faire d’envieux !!

Le vrai test s’en vient, avec l’été et la grande chaleur habituelle, jour après jour. Comme je prévois venir au pays à la fin de l’été, ce sera une occasion de voir comment je m’acclimate.

J’ai abandonné mes cours d’arabe, au moins pour le moment. Ni le prof ni l’élève n’en avaient vraiment le goût. Je vieillis. Mais je suis tranquille ici, heureux de vivre tout simplement, même s’il me manque quelque chose qui me paraisse pertinent à réaliser. Cela viendra en son temps, si je me montre patient. Et, à l’orée de la retraite, je n’ai pas de preuve à démontrer à qui que ce soit, en commençant par moi. Le Seigneur me guidera s’il a envie de mes services quelque part.

Je ne me suis pas encore décidé à me déplacer en bicyclette; donc je marche à pied dans les environs.

Et je me suis procuré un téléphone portable, car ici à peu près tout le monde en possède un et l’utilise. Même en plein désert, on se cherche un réseau pour communiquer !

Ma tablette me sert beaucoup, autant pour écouter ou lire les nouvelles, sur place ou de l’étranger. Et pour pratiquer mon habileté au SUDOKU !

Manquer de relations humaines, c’est aussi savoir patienter afin que l’un ou l’autre des membres de l’équipe d’animation soit assez disponible pour m’accompagner afin de trouver un bon technicien en informatique et de lui expliquer le problème de mon ordinateur portable. Cela a donc pris presque 2 semaines pour le régler. Ce qui est fait maintenant, à mon grand soulagement.

Bon ! Je m’en vais au souk, à une demi-heure d’ici à pied, pour acheter des poitrines de poulet en vue du repas de l’équipe d’animation de dimanche soir. C’est mon tour de recevoir. Et avec la visite d’un couple, nous serons 6 ou 7 à table. Je dois prévoir un peu d’avance. Je pense à du poulet et à une croustade aux pommes. Ce serait bon avec du sirop d’érable, mais je cherche un succédané potable.

Attentat de Québec le 29 janvier 2017 contre la Grande Mosquée

Oui, bien sûr, j’ai su dès le lundi matin 30 janvier le drame de la Grande Mosquée de Québec, et j’ai suivi de mon mieux les réactions qui m’ont paru somme toute appropriées dans les circonstances. Espérons qu’à ce malheur, il en sorte de bonnes choses : un peu de retenue dans les expressions des réseaux sociaux, une meilleure écoute et attention aux immigrants venus du monde musulman, de plus grands efforts effectués pour favoriser l’intégration fraternelle, à l’école et surtout dans l’emploi.

Je n’ai pas senti beaucoup d’échos ici, sinon dans un journal qui parlait d’une des deux victimes algériennes. L’impact m’a paru très limité, en comparaison avec les réactions de la petite société québécoise.

Il y a là un beau sujet de révision de nos opinions sur les musulmans, si je peux me permettre cette suggestion : comment avez-vous réagi personnellement ? Qu’est-ce que cet événement signifie et comment vos communautés réagissent ? Les pas à franchir pour améliorer l’avenir ? …

Ce qui s’en vient

La Semaine Sainte se vivra en toute simplicité, avec la présence notable des petits frères de l’Assekrem, et peut-être de 2 visiteurs français.

Ce pourrait devenir une occupation plus grande, cet accueil des visiteurs, malgré le contrôle assez strict des autorités policières qui cherchent à éviter tout problème de sécurité. J’ai remis récemment en ordre 2 chambres et 1 pièce commune, tout près, en les nettoyant et en m’assurant qu’il y ait un minimum de mobilier pour y rester de passage. Quoique je ne me sente pas la vocation de frère hospitalier comme à Lourdes ou à l’Oratoire St-Joseph, je ne crains pas vraiment, car il n’y a pas beaucoup de chance que Frère Charles développe soudainement un pèlerinage accaparant au Sahara !

Je me rendrai à l’Assekrem pour remplacer durant une semaine les petits frères là-bas au milieu du mois de mai. Ils seront en réunion de communauté du côté d’Alger, je crois.

Santé, patience et humour à revendre !

Amitié, Pedro

P.S. : On vient d’apprendre que notre évêque, Mgr Claude Rault, est remplacé par un de ses confrères Père Blanc, John McWilliam, un Britannique d’origine âgé de 69 ans. C’est courageux de sa part.

PDF: Ma petite vie à Tamanrasset.0317

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