Charles de FOUCAULD et ses disciples à Madagascar. André GACHET

Au cours du premier semestre 2017, la famille Charles de Foucauld de Madagascar a été rudement touchée par la mort de deux prêtres responsables : José et Félix, atteints par un mal pernicieux et analogue.

D’abord le P. José Doutriaux qui avait fêté ses 80 ans le 18 juin 2016 (le mois précédent, j’avais passé avec lui 2 jours à Lille), emporté le 26 février par un cancer du pancréas et de la rate, puis du foie ; il fut enseveli le 3 mars dans le caveau familial du département du Nord.

L’abbé José – prêtre diocésain de Lille (au nord de la France, à la frontière avec la Belgique) – a vécu plus de 40 ans au service de l’archidiocèse de Toliara/Tuléar, en tant que missionnaire Fidei Donum. C’est lui qui avait introduit la spiritualité foucauldienne à Madagascar et fondé l’association des prêtres Jesus-Caritas, notamment dans le sud de la Grande Île. Depuis son retour au pays natal, je le soutenais par téléphone tous les quinze jours environ, d’abord à la maison diocésaine Notre-Dame de la Treille à Lille (où Félix avait été lui rendre visite en octobre 2015), puis chez les Petites Sœurs des Pauvres à La Madeleine, résidence dans laquelle José recevait une assistance médicale appropriée.

L’abbé Félix de Vallois Rajaonarivelo, ordonné prêtre pour le diocèse de Mahajanga en août 1980, avait fêté ses 65 ans à la Toussaint 2016. Grâce à son exceptionnel charisme de communicateur et sa débordante chaleur humaine, il avait mis en place de nombreuses Fraternités séculières dans le centre et le nord du pays.

Félix et moi avions développé une complicité de près de 30 ans quand – l’un et l’autre étudiants à l’Institut Catholique de Paris – il fonda « l’Association des prêtres, religieux et religieuses de Madagascar en étude en Europe » dont le but était « se connaître, tisser des liens fraternels en Europe où la communication et les transports sont aisés, afin de tenter, au retour à Mada, une pastorale interdiocésaine basée sur le fihavanana ». Dynamique président, P. Félix organisa, durant les étés, trois sessions pastorales en France, du côté de la Savoie : 1988 à Annecy, 1989 à Trésun, 1990 à Grenoble. En tant que membre du Centre Lebret « Foi et Développement », je fus délégué à ces journées d’étude pour apporter chaque fois une contribution, sous l’angle de l’enseignement social de l’Église.

C’est donc à partir de l’été 1988 que naquit cette amitié solide qui conduisit Félix plusieurs fois dans ma famille à Genève ; et moi-même, en septembre 2014, à Mampikony, son village natal où se trouvent et la maison familiale et le cimetière accueillant les tombes de ses parents. De la même manière, j’hébergeais Félix chez moi à chacun de ses séjours à Fribourg. Le dernier, en octobre 2015.

Tous les 2 ou 3 ans, les branches foucauldiennes de l’Île Rouge (regroupant les Petites Sœurs de l’Évangile, les Fraternités séculières et les prêtres Jesus-Caritas) se réunissent pour vivre ensemble des journées nationales, sous la forme d’une retraite spirituelle ou d’une session de formation. Aussi Félix m’invita-t-il à animer, du 1 au 7 septembre 2014, à Ambovory, un cours de sociologie religieuse et d’éthique sociale sur le thème de la fraternité, que j’intitulai : « De Charles de Jésus au Frère universel ». Cette session se tint en même temps que la rencontre annuelle de l’Équipe internationale des prêtres Jesus-Caritas, au sein de laquelle Félix représentait le continent africain !

En février 2017, à mon retour d’Afrique centrale – alors que José vivait ses tout derniers jours sur cette terre – un courriel de Fr. Félix m’annonça une maladie terrifiante : un cancer hépatocellulaire. Je fus atterré. En vain, j’entrepris des démarches pour le faire soigner à Paris, mais – malgré des plaidoyers appuyés – je ne pus décrocher, auprès de congrégations religieuses missionnaires ad extra, la couverture financière indispensable pour couvrir un traitement ad hoc en Europe …

La solution indienne alors s’imposa. À Bangalore (mégapole au sud de l’Inde) où Félix fut hospitalisé du 10 avril au 13 mai. Là-bas, en Asie, les oncologues pratiquèrent une chimio-embolisation, en lui administrant un médicament importé de Singapour (Malaisie). Grâce à l’appareil téléphonique de Jean de Matha Jaotody, son unique jeune frère qui, d’ailleurs, l’accompagnait, je pus converser chaque semaine avec Félix ; et encore une ultime fois, lors de son escale à l’Île Maurice, sur la route du retour à Tana.

Et aussi sur le chemin de la Rencontre transcendantale qui aura lieu 3 semaines plus tard, les 3 et 5 juin, à Mahajanga, en la fête de la Pentecôte.

Après avoir luttés en même temps contre le même mal effrayant et inexorable, les Pères José et Félix, prêts à tout, acceptant tout, ne désirant rien d’autre que la volonté de Dieu se fasse en eux, s’abandonnèrent à Lui.

Avec foi, lucidité et espérance, à la suite de Jésus, ces deux disciples du Christ – et amis si chers – se remirent sans mesure, avec une infinie confiance en ce Dieu qui est leur Père … et aussi le nôtre !

André Gachet

Fribourg / Suisse, juin 2017

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